J'ai vu le film de Gaspar Noé en édition Blu-Ray avec en bonus The Flicker (court-métrage sur l'épilepsie, 1965) et un extrait de Häxan : la Sorcellerie à travers les âges avec une musique expérimentale oppressante, 1922).
Ce qui est très important car le film se veut en continuer de ces deux là, mais aussi avec Jour de colère (Dies Irae, 1943) aussi sur le thème de la sorcellerie. Gaspar Noé voulait aussi illustrer le "sexocide" ou les massacres perpétrées contre les femmes au Moyen-Âge au prétexte qu'elles étaient sorcières.
Personnellement, je me demande si le film ne veut pas montrer Charlotte Gainsbourg, Béatrice Dalle (dont j'apprécie le parler naturel et les intéractions et dialogues qui rendent le tout crédible) et les autres actrices comme victimes, traitées comme des sorcières par leurs compagnons de tournage mâles qui sont au mieux incompétents et manquant d'empathie, et au pire malveillants car faisant passer leurs petites préoccupations (l'argent, le pouvoir, la renommée) qui paraissent insignifiants par rapport au bon sens, au talent et au bien-être des actrices.
Lux Æterna pourrait aussi être appelé "La Sorcellerie à l'âge de MeToo" aussi, car c'est dans un faux making of ou faux film de tournage que Gaspar Noé semble illustrer la maltraitance des femmes par l'industrie du cinéma. Les femmes sont traitées comme des sorcières au figuré :
Béatrice Dalle est espionnée et volontairement désobéie car victime d'une rumeur et du coup, les producteurs et l'équipe masculine sabotent son travail et la maltraitent psychologiquement + les actrices anglophones laissées à l'abandon tels des vieilles chaussettes pourrites et méprisées quand elles veulent pas servir les intérêts des hommes + la fille de Charlotte Gainsbourg tatouée contre son gré au cutter + Charlotte Gainsbourg traitée comme potiche à films et abandonnée à ses souffrances minimisées.
J'étais d'ailleurs dubitatif avec la fin qui semble au départ qu'un bête incident technique transformé en malaise épileptique. Et c'est là que j'ai compris le possible propos que voulait donner le réalisateur : les maltraitances dont sont victimes les femmes sont justement comme cette épilepsie oppressante.
On commence avec un petit embêtement de rien du tout et ça finit par se répéter à l'infini et de plus en plus fort au point que ça en devient insupportable, déprimant. Comme dirait Béatrice Dalle et les victimes de viols, audiovisuels ici, c'est comme devenir un-e mort-e vivant-e : on vous harcèle un peu, puis plus, puis beaucoup trop. Le "Lux Æterna" ou la "Lumière éternelle" serait donc la maltraitance constante ici.
Charlotte semble finalement vers la fin habituée mais effacée. Ce serait donc aussi une symbolique d'autres femmes victimes de harcèlements et de viols dans l'industrie du cinéma mais résignées car leurs défenses ont trop été mises à bout et elles n'ont plus la force de se battre contrairement aux membres du mouvement MeToo.
Au fond, l'Inquisition perverse existe encore et a changé de forme, et elle continue de traiter toutes les femmes qui se démarquent du lot des soumises en les mettant sur le bûcher même au sens figuré. Gaspar Noé chercherait donc à exorciser le cinéma du mauvais comportement de la nouvelle Inquisition envers les nouvelles Sorcières, en mettant tout cela en Lumière éternelle.