En quelques lignes :


Hanté par un lourd passé, Mad Max (Tom Hardy) estime que le meilleur moyen de survivre est de rester seul. Cependant, il se retrouve embarqué par une bande qui parcourt la Désolation à bord d’un camion piloté par l’Imperator Furiosa (Charlize Theron). Ils fuient la Citadelle où sévit le terrible Immortan Joe qui s’est fait voler quelque chose d’irremplaçable. Enragé, ce Seigneur de guerre envoie ses hommes pour traquer les rebelles, impitoyablement...


En un peu plus :


À y regarder de loin, Mad Max Fury Road a tout du film de bonhomme. Entre une affiche célébrant le cambouis, les flingues et le désert, et une bande-annonce faisant vrombir V8 et autres moteurs pimpés dans un déluge d’action sans égal, le dernier film de George Miller pourrait en effet passer pour l’incarnation de ce qu’Hollywood a proposé de plus misogyne : un cinéma voué au culte d’une virilité indexée sur la taille du fusil en poche ou de la voiture en main, parcouru de femmes-objets réduites au rang de faire-valoir, trophées de chasse pour mâles occupés à guerroyer pour une cause quelconque... Dans Mad Max Fury Road en effet, le vrai bonhomme suinte jusque dans le titre du film lui-même : il s’agirait donc de Max, d’un Max bien taré, et d’une route furieuse à prendre le long de laquelle s’égrèneraient les cadavres au rythme des pétoires d’un héros en quête de liberté, dans un monde gangréné par la violence et les affrontements motorisés.


Oui, Mad Max Fury Road, c’est aussi ça.
Sauf que pas seulement, sauf que peut-être même, pas vraiment.


Car le vrai personnage principal du film est bien Furiosa, et sienne la quête qui donne son sens à l’arc narratif déployé par George Miller. Issue d’une culture matrilinéaire à laquelle elle a été arrachée pour devenir bras droit du patriarche-dictateur Immortan Joe, seigneur de guerre ayant construit sa domination sur le monopole de l’eau dans un monde dévasté par une apocalypse nucléaire, Furiosa se retourne contre son chef en lui volant ce qu’il possède de plus précieux : cinq de ses nombreuses épouses et pondeuses dont il espère obtenir un fils « parfait ». Dans ce contexte, le personnage joué par Charlize Theron est bien loin de fonctionner comme la copie conforme, en négatif, du héros masculin badass, et déjoue tous les poncifs machistes de la « femme forte » dont la seule qualité serait...celle de se comporter comme un homme. Refusant la domination des hommes, solidaire à l’égard des femmes, beauté célébrée dans son imperfection sans que celle-ci ne soit jamais thématisée, Furiosa incarne la lutte contre une masculinité toxique et décadente, obsédée par l’idée de la filiation mâle et de la possession du corps des femmes, dont la domination est construite non seulement sur un rapport de violence sexuelle, mais aussi sur la prédation sociale et écologique.


« We are not things ! », tonne le personnage de Splendid dans un slogan que Furiosa pourrait reprendre à son compte dans un cri de rage profondément politisé.


Quant au Max qui donne son titre au film, il est un homme enchaîné, muselé, regardé de haut, traité comme une marchandise par d’autres hommes et innommé une heure durant – le sort de tant de femmes, au cinéma comme à la vie – dont la présence devient progressivement celle d’un personnage secondaire, fondamental mais effacé, qui laisse place et parole à Furiosa. S’agit-il pour autant d’un film stigmatisant les hommes ? Non, et cela grâce à la figure de Max, fou solidaire, homme sans ego libéré de ses chaînes (celles de l’injonction à la virilité ? de la soumission à des codes moraux assujettis à l’idée de la domination masculine ?), grâce à Nux également, figure d’adolescent pétri d’incertitudes et de contradictions qui ne cesse d’interroger sa soumission à l’autorité du Père. Grâce à ces quelques « hommes justes » en somme, perdus dans un monde d’hommes toxiques – dans tous les sens du terme – mais dont la présence comme « résiduelle » et nécessaire laisse espérer la possibilité de l’adelphité, condition d’une humanité véritablement solidaire.


Et en quelques images


Bande-annonce alternative : https://youtu.be/z-qCzXq_wb4

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Créée

le 6 oct. 2020

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