Autour d’une table ronde, une bande de riches aliénés invoque l’esprit frappeur invisible d’un homme décédé. Un coup pour oui, deux coups pour non et la bourgeoise décrépite croit à la présence de son défunt mari. Le public du film, incrédule, rigole de cette pauvre folle consacrant la majeure partie de son temps libre aux histoires de fantômes et d’ectoplasmes. Stanley Crawford, un incroyable sceptique, est bien de notre avis. Jusqu’au moment où la bougie, placée au centre de la table, lévite au-dessus de ce public impressionné. Crawford est abasourdit, nous aussi.


Wei Ling Su alias Crawford, considéré comme le plus grand prestidigitateur du monde, est invité, par un de ses amis magiciens, à tenter de découvrir les tours d’une jeune et belle médium. Armé de ses sarcasmes, de ses remarques désobligeantes, de son ironie acerbe et de son pessimisme à faire suicider un clown, il tentera en vain de découvrir les mystères de cette voyante. Woody Allen nous offre le spectacle d’un débat entre le rationnel et la croyance, sur fond d’histoire d’amour. Ce débat sans résolution, sans fin, voué constamment à l’échec est un bien piètre discours pour ce film. Le public est déjà au courant que l’amour n’est pas logique, qu’on ne peut pas le comprendre, qu’il faut croire en son pouvoir, blablabla… Ce message à l’eau de rose périmé aurait pu empoisonner le film et l’enterrer dans la gigantesque fosse commune des histoires d’amours banales et sans saveurs.


Mais, heureusement, le magicien Allen use de sa caméra magique pour emballer ce débat néfaste dans une jolie toile impressionniste. Il est difficile de ne pas penser aux peintures de Renoir lorsque nos deux inséparables ennemis vont discuter à la terrasse d’un troquet. Les décors floutés, la lumière jaune et les costumes d’époque sont tout droit sortis d’un de ses tableaux, procurant ainsi au film une atmosphère chaleureuse, harmonieuse et sensorielle. Malgré cette beauté artistique un peu cliché, le film serait bien inintéressant si les personnages n’étaient pas aussi attachants.


D’un côté, Crawford un intellectuel au discours rationnel et vénéneux, et de l’autre, Sophie diseuse de bonne aventure croyant sans doute elle-même à ses histoires de prince charmant richissime, à l’amour éternel et à l’absence d’infidélité … Sans oublier l’arbitre de ce face-à-face impitoyable, la sage tante Vanessa. Si le débat du film n’est pas passionnant, c’est cependant sa présence qui enrichit les disputes de ses deux amants. Crawford sera néanmoins décevant. L’impitoyable sceptique se transformera en une chiffe molle bête à manger du foin. Nous en sommes même trompés, le pensant infiltré, afin de mieux découvrir le subterfuge. Mais non, il est vraiment ébloui par son optimisme naissant et par la beauté de la vie…


Tel un spectacle de magie, Magic in the Moonlight nous offre un très joli divertissement sans beaucoup de réflexion. Tout du long, nous cherchons le subterfuge de cette magnifique sorcière, nous, public, qui avons du mal à lâcher notre rationalisme inné. Nous prenons conscience de nos difficultés à croire et à rêver. Ce magnifique monde impressionniste arrive malgré tout à nous enchanter et à nous interloquer.


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-Versus

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