J'attendais beaucoup de "Marketa Lazarova",d'abord en tant que premier film tchèque que j'allais voir et ensuite parce que je suis friand des films historiques qui sont,je trouve,trop rares et souvent trop peu crédibles.
Après plus de 2 heures,j'ai du mal à savoir exactement ce que j'en pense,par contre,ce qui est incontestable,c'est que c'est une expérience rare et intéressante à certains égards.


Commençons par développer les points qui méritent des louanges:tout d'abord,les plans majestueux qui se succèdent dans ce noir et blanc qui rappelle beaucoup "Andrei Roublev" sorti un an auparavant et dont "Marketa Lazarova" s'inspire ostensiblement.
Les images sont d'un romantisme très sombre et saupoudrées de cette neige céleste,elles n'ont aucune peine à nous emmener dans la campagne médiévale,de ce côté là,vous serez servis, qu'il s'agisse de bastonnades,de meutes de loups apparaissant mystérieusement, de plans sur des corbeaux posés sur un arbre mort se détachant sur le ciel décharné,chacun y trouvera son compte.
La pellicule nous en met plein les yeux du début à la fin et accompagnée de cette bande son authentique composée de chants à mi chemin entre la ballade médiévale et les liturgies grégoriennes,elle est esthétiquement irréprochable.


Malheureusement,dès le début, on peine à suivre l'histoire et ses sauts récurrents entre les différents protagonistes,histoire assez obscure de voisins et des bandes de malfrats rivales,ne nous y aident pas.
On s'acccroche pourtant,charmés par la beauté des paysages et par ce parfum de mystique renforcé par l'usage très abusif d'écho sur la voix de tous les acteurs qui a tôt fait de nous hypnotiser et qui m'a personnellement plongé dans un état de somnolence quasi constant.
Il faut dire que le montage du film n'aide pas,certes il y a des scènes assez captivantes mais elles sont un peu isolées dans un ensemble indigeste de monologues,de plans hallucinatoires et autres effets de style cinématographiques qui sonnent un peu creux voire snob et qui m'ont laissé de marbre,l'effet de surprise passé.


De plus,certe l'ambiance est au point mais les personnages semblent de plus en plus caricaturaux au fil du film et je ne compte plus les fois ou un type se met à rire de manière soudaine et malsaine dans le fond:je pense qu'au bout d'un certain temps,on a compris que c'était une bande de psychopathes et que les gens étaient déséquilibrés au Moyen-Age.Le réalisateur en fait trop,quasiment à tous les niveaux et c'est là le péché de "Marketa Lazarova" car il y avait objectivement tous les ingrédients réunis pour accoucher d'un excellent film s'il avait pris la peine de rajouter un peu de punch dans sa narration et un peu de clarté aussi et de réfréner quelque peu ses effets de style et son emphase frôlant parfois le génie mais aussi le ridicule.
Il est quelques séquences mémorables qui jalonnent le film comme celle ou la vieille femme,véritable matrone d'un des groupes de bandits,se met à raconter l'origine de la malédiction qui accable le sang de ces hommes brutaux qui l'entoure aux enfants et aux jeunes,qui écoute sans mot dire ses paroles dans une ambiance de fin du monde ou l'usage de l'esthétique médiévale est ici parfaitement maîtrisée par le réalisateur.
Ces fulgurances peinent malgré tout à extirper le récit de ce marasme dans lequel il aime à se complaire.


Tout comme "Andrei Roublev",ce film fait la part belle au traitement de la religion et de la foi en opposant le paganisme au christianisme et constitue un questionnement sur la violence d'une époque.Paganisme qui constitue d'ailleurs une aubaine pour le réalisateur qui s'en sert plus d'une fois pour des séquences mystiques un peu redondantes et opportunistes qui ne manquent cependant pas d'intérêt.Nous sommes donc témoins de l'oscillation constante de Marketa Lazarova,jeune vierge entre les pratiques paiennes et le christianisme auquel son père l'a promis en l'offrant à un couvent de nonnes et de sa souffrance,de sa passion aux mains des loups sous forme humaine,un des personnages principal ayant grandi avec ces animaux et ayant hérité d'eux leur nature impitoyable.Elle va se lier à lui comme un symbole elle qui représente l'agneau promis à Dieu finira dévoré par le loup impie à l'image de l'agneau accompagnant le moine ittinérant qui sert de témoin au monde immoral dépeint et qui finira lui aussi décapité.


En définitive,je recommanderais surtout ce film aux romantiques ou aux indécrottables passionnés du Moyen-Age car,pour le reste,je pense qu'il restera une énigme prompte à susciter l'ennui.

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le 1 mars 2021

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