Figurant de prime abord dans le haut du panier de Netflix (ici en tant que distributeur), Marriage Story affichait une ambition aussi mesurée que profonde : car en traitant du divorce plus de deux heures durant, le cinéaste Noah Baumbach s’en référait à ses propres expériences pour dresser un constat déchirant, illustration du caractère inexorable de la séparation... et de tous ses à-côtés, tous plus destructeurs les uns que les autres.
Toutefois, résumer la chose ainsi ne serait pas rendre justice au brio du long-métrage, celui-ci s’avérant effectivement à la hauteur de sa réputation : car s’il nous conduit subtilement à supporter puis déprécier, à tour de rôle ou de concert, le couple des Barber, son intrigue est tant une invitation à l’empathie la plus pure qu’à la réflexion sur les raisons d’un tel dénouement – et, par voie de conséquence, aux racines de l’union, elles qui confèrent à ce triste tableau des élans somptueux.
Au centre des « festivités », le tandem formé par Scarlett Johansson et Adam Driver (un fidèle de Baumbach) se veut étincelant comme pas deux : leurs rôles respectifs n’en sont que plus concrets et nuancés, base d’une relation soufflant le chaud et le froid, oscillant entre alchimie et rupture croissante. Au point d’ailleurs d’atteindre des proportions dantesques, certaines de leurs « joutes » s’arrogeant une tension émotionnelle exacerbée – mais jamais exagérée ; un point conforté par la mise en scène au cordeau du cinéaste, délicate et inspirée tout en usant d’images pertinentes quoique moins fines (l’effet, qui est voulu, fonctionne pleinement).
Marriage Story est un film démarrant sur les chapeaux de roues, ses voix-off nous ensorcèlent pour mieux nous imposer la dureté des événements à venir : les fondations passées vont une à une se disloquer, indépendamment (quoi que...) de la volonté de ses infortunés sujets, pantins à la fois victimes et acteurs d’une machinerie inarrêtable. Au diapason de l’inauguration, le dénouement se veut aussi magnifique, car délicieusement doux-amer et parfait dans son rôle conclusif, sorte de porte ouverte venant refermer un chapitre tumultueux mais nécessaire.
Sinon, tout n’est bien entendu pas parfait : l’entre-deux du long-métrage est notamment marqué de quelques longueurs, le récit se voulant plus bavard que requis même si nous lui prêtons volontiers les meilleures intentions. Le doigté global du long-métrage semble également s’évanouir en ce qui concerne les avocats, celui-ci portant sur le métier un regard mordant mais complètement archétypal (en leur qualité de charognards hypocrites) : au point de nous interroger quant aux multiples récompenses glanées par Laura Dern, son rôle cristallisant les rares impairs d’une œuvre se vouant pourtant à beaucoup mieux – mais sans qu’il soit question de remettre en cause la qualité de son interprétation.
De quoi nous faire dire que, oui, Marriage Story déçoit un peu, celui-ci pouvant prétendre à tellement plus. Néanmoins rien de rédhibitoire, celui-ci demeurant superbe en tant que tel, un témoignage romancé empreint d’une sacrée justesse (si l’on excepte donc les autres affreux) quant aux vertus, travers et enseignements que recèle le couple... jusqu’à sa séparation finale, elle qui n’est pas une fin en soi – bien au contraire.