C'était il y a quatre ans je crois bien : j'ai 16 ans, je découvre Masculin, Féminin de Godard, et avec ça tout le cinéma de la Nouvelle Vague, tout le cinéma tout court.
J'ai 16 ans et les voix de Jean-Pierre Léaud, de Chantal Goya, les façons de parler de l'époque, le ton de voix, la lenteur, les images, me transcendent, littéralement. C'est extraordinaire. Fou.
Ils parlent comme dans des livres et moi je bois tous des mots, des images, des plans. Je n'arrive plus à penser. Le cœur bat et l'émotion se tient simple, pure, d'une grandeur incommensurable. Le sentiment qu'on me parle à moi, et à moi seule.
Les mots de chaque personnages, la façon de les prononcer, de dire, me parvient aux oreilles comme une évidence. La beauté en plein dans le mille. La justesse. La profonde justesse.
Une porte ouverte sur le monde. Une prise de conscience, immense. La découverte d'un univers qui ne me quittera plus, d'une beauté infinie, incommensurable, sans fards. LA beauté. Pure. Alors ainsi il suffit de partir à sa recherche, au travers du cinéma, et de découvrir le monde.


Ainsi, Masculin, Féminin est parcouru tout du long d'une frêle beauté, pure, avec une belle naïveté dû à l'âge, la jeunesse : Godard et ses camarades qu'on appellent les jeunes Turcs partent conquérir leur univers Parisien à la recherche d'autre chose. Un cinéma d'une liberté rare qu'on a bien du mal à retrouver de nos jours. La libération de carcans dû à un cinéma de studio, celui d'Hollywood, des années 50, du scénario comme sacralisation, Dieu tout puissant (et c'est malheureusement encore le cas aujourd'hui). Donc Godard et toute sa troupe transcendent le cinéma, libèrent les habitudes, le confort, offrent un regard neuf sur le monde, rempli d'une jeunesse pleine de vie, à l'aube des années 60. On devient nostalgique d'un temps inconnu de nos yeux de néophyte, trop jeunes pour trop de vie.


Jean-Luc Godard dépeint dans Masculin-Féminin une vision journalistique, analytique, de la jeunesse de son époque. Il interroge, fait de la sociologie, de l'anthropologie, d'une jeunesse Parisienne en pleine génération Coca-Cola, la guerre du Vietnam en fond, qui ne préoccupe personne dans le petit confort de tout un chacun.
On assiste ici à la montée de la société de consommation d'une France bourgeoise, Parisienne.
Et alors avec les mots, la littérature omniprésente dans le cinéma de Godard et plus généralement dans celui de la Nouvelle Vague, le jeune réalisateur s'interroge. Et avec lui Jean-Pierre Léaud et son regard fixe, son incroyable façon de s'exprimer, tout en passivité, en monotonie. Ainsi, c'est avec ce seul film que j'ai découvert il y a quatre ans l'incroyable Jean-Pierre Léaud.
Les plans fixes, très longs, qui prennent leur temps sur des dialogues jouissifs, exaltent. Les champs-contre champs, et le regard de Jean-Pierre Léaud qui contemple Chantal Goya, mal-à-l'aise, buté, insistant, la cigarette en bouche, cette cigarette qu'il essaye de faire sauter avec ces mains, il s'y prend à plusieurs fois et n'y arrive pas, alors c'est pathétique.
Les dialogues, encore, encore et encore.
Les mots, les façons de se tenir.
Un film foudroyant, dans la simplicité de son entière mise en scène, dans la beauté de ses plans, de ses noirs et blancs, de ses images, de ses personnages. La Nouvelle Vague à l'état pur. Et c'est beau. Infiniment beau.
Alors ça change incroyablement de ses objets laids et repoussants que Godard s'échine à filmer depuis les années 2000.


On pourrait remarquer que Le Chat dans le sac, film Québécois des années 60, ressemble à certains points, beaucoup à ce film de Godard.


=> A retrouver sur mon blog

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le 21 mai 2015

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Lunette

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