Le premier paradoxe qui vient à l’esprit dans ce que la saga de Leatherface représente, c’est bien la boucherie qui en découle. À la force des mains et autres ustensiles à charcuter des sacs de peaux, les suites comme les remakes, voire reboots, ne semblent jamais en accord avec la trajectoire de son boogeyman. Mais l’enfant est-il réellement le monstre qu’on aurait pu imaginer, sachant la conclusion que donne Tobe Hooper à la famille cannibale en 1986 ? Une partie de la vérité s’est égaré, dans ces nombreuses suites et réinterprétations d’un personnage, souffrant de l’emprise de sa famille, ainsi que d’une maladie mentale qui ne lui laisse que ses muscles et ses pulsions s’exprimer. Un échec après l’autre a pu rapprocher Netflix de cette franchise, qui a longtemps déserté ses bases.


Et quand bien même, il semble s’en soucier, ce ne sera ni son réalisateur de dernière minute David Blue Garcia, ni son scénariste Chris Thomas Devlin qui viendront rendre hommage à l’œuvre d’origine. Ils viendront plutôt la trahir, très mal et plus qu’il n’en fallait afin d’exploiter des retrouvailles intergénérationnelles, choses que Blumhouse a au contraire réussi avec la résurrection de Michael Myers et sa final girl némésis. Ajoutons à cela un mouvement d’actualité qui insère l’idée de gentrification dans un espace, dont on a déjà épuisé les ressources et l’économie, pour transformer de jeunes citadins en un nouveau bétail pour des mises à mort gores, mais sans intérêt pour la tension que l’on pourrait générer autour. Et c’est tout le problème du récit, qui cultive mal ses principes, en les refourguant à un spectateur sans doute venu pour une poignée d’amusement, mais pas pour qu’on installe son intelligence dans un mixeur numérique.


La technologie n’est présente que pour l’unique blague que l’on pourrait en faire, au même titre qu’une anecdote sur une fusillade d’écoliers. Le second point étant plus sensible et ancré dans une culture, où l’arme semble être le seul outil d’émancipation pour la jeunesse, comme pour les pauvres redneks qui persistent encore dans l’Amérique profonde. Ce sera donc au détour de clichés insupportable et à l’idéologie exécrable que Leatherface revient saucissonner les vauriens d’un monde déconnecté du présent et pourtant colonisateur d’un passé qui ne les estime pas légitimes. Le retour du personnage de Sally Hardersty atteste d’ailleurs cette mauvaise appréciation d’une intrigue, qui se désintéresse totalement de son cas et de son challenge, malgré les années de martyrs qu’elle semble avoir traversées. Elle traversera ce village fantôme avec un soupçon d’absurdité, qui ferait rire un troupeau de fans planqués derrière leur portable.


Hélas, tout est dramatique jusqu’à la dernière goutte de sang versée, à l’arrière-goût d’un recyclage qui passe mal et qui manque l’occasion de fêter un retour aux sources. Au lieu de cela, « Massacre à la tronçonneuse » (Texas Chainsaw Massacre) rompt avec une radicalité sans incarnation, sans âme et surtout sans frissons. Ce qui se revendique comme la suite de l’original de 1974 n’est qu’une mascarade, un troll sous un masque de peau humide, où une nouvelle génération confond le gag et le décalage humoristique, comme nous avons déjà pu le voir au sein de la famille complètement barrée. Mais il faut croire que l’on aura tout sacrifié, jusque dans les détails techniques, qui ont poussé un film à développer sa réflexion sociale, où le théâtre des meurtres ne serait que la conséquence de pouvoirs supérieurs et extérieurs.

Cinememories
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le 20 févr. 2022

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