Pâté en croupe
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le 22 mars 2018
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Palmé en 2013 pour le magnifique La Vie d’Adèle, le nouveau film du réalisateur niçois Abdellatif Kechiche se faisait attendre, c’est avec une impatience certaine et un ravissement non comparable que nous avons vu ce film, presque documentaire. En fait, plus proche de l’archive de vacance réalisé pour les proches, mais si l’intention d’un film amateur est là, la virtuosité de la mise en scene conjugué à la sublime photographie l’est aussi.
C’est un film aux émotions épidermique, qui ne lâche jamais le spectateur, nous transporte dans le sud de la France, les personnages dansent, mangent, boivent, chantent, marchent, s’aiment, s’étreignent, parlent, regardent, ressentent, éclairer par la lumière d’un soleil constamment à l’écran en contrejour, illuminant de ses rayons les beaux visages juvéniles de la petite bande que nous suivons. Des gens jeunes, en vacances, se rencontrent ou se retrouvent, ils vivent avec nous un moment que l’on pense bloquer dans le temps, dans une époque que nous ne connaitrons jamais, ni même le lieu jamais clairement défini a par le Sud et l’évocation de l’Afrique du nord. Pendant 2H55 il semble ne rien raconter, mais en prenant garde nous avons devons nous l’épreuve du temps et du bonheur qui défile, cherchent un moyen de respirer dans cet environnement abondant et surpeuplé, ou tous se connaissent, à la fois irrespirable et vivifiant. Mektoub My Love donne de la forme et du sens a un film qui ne semble suivre aucune trajectoire narrative, son but n’est même pas d’exposer des personnages déjà vivant avant que la caméra ne vienne les filmer et c’est là la beauté du cinéma quand le cinéaste est capable de donner vie a un film qui n’est pas encore là. Kechiche y arrive si parfaitement que nous somme propulser dans le film sans autre indicateur que ce jeune homme, poète et scénariste, aimé de tous.
Kechiche on le sait depuis la polémique stérile suscité par Léa Seydoux, qu’il est un réalisateur qui pousse ses acteurs dans des retranchements d’intériorité ou d’explosion extérieur des sentiments et des mouvements de corps. Son acteur principal, la révélation Shain Boumedine, sorte d’éphèbe pasolinien déambulant dans les rues du village et sur la plage, le visage dans le soleil et dans un instant plus posé à la ferme de la belle Ophélie, réincarnation magique de Claudia Cardinale. La séquence contemplative à la ferme, de nuit, nous fait la démonstration d’une naissance et d’un éveil artistique, parabole sublime. Le mouton mat bas, de nuit sur une duce musique et une nuit bien trop rare dans le film, ou plutôt elle se déroule dans son dernier tiers comme un rappel fatal que même le bonheur doit avoir une fin.
Mektoub My Love, qui est un canto uno ce qui présage une suite, pas directe espérons-le est un film méditerranéen dans toute sa splendeur, tellement qu’il est trop rare de le voir à l’écran. Plus encore dans le paysage aseptisé du cinéma français. Cette apparente rupture entre les barrières des familles et des amis, des rapprochements passionnés et des amours adolescents transpirent l’épiderme cinématographie méditerranéen depuis Pier Paolo Pasolini déjà cité à Federico Fellini. Du maestro le film tient son baroque dans l’excès de la bonne vie, des passions et des grandes familles. De ce pointlà, le film tient plus du cinéma italien des années 60 qu’au cinéma français d’aujourd’hui toujours aussi bloqué dans Paris, incapable de sublimer la province. Heureusement Abdellatif Kechiche, cinéaste de la lumière et de la nouvelle vie. Vivre aussi sublimement que dans un film de Kechiche c’est tellement rare que nous sommes certains d’etre au cinéma, l’art du rêve et l’antiréaliste ici poussé dans ses limites comme le fait avec génie Harmony Korine en Amérique. Mektoub My Love est peut-être arrivé trop tôt, mais il est là et c’est terriblement sublime.
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le 30 mai 2022
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