Revenu de son expérience conjugale sous les projecteurs de Kubrick, Tom Cruise s'amuse en donnant l'occasion à John Woo de retrouver ce qui faisait la force de son cinéma de Honkong: le sentimentalisme échevelé.
John Woo doit être un peu schizophrène. Non seulement il peut se vanter d'être le cinéaste le plus musclé du moment à Hollywood, mais aussi le plus sentimental. Il avait déjà essayé de renouveler avec ce style inimitable qui faisait sa patte à Hongkong dans «Face Off», mais «M: I 2» pourrait être son film le plus romantique, aussi bien par sa mise en scène que par son scénario.
L'agent Ethan Hunt (Tom Cruise, aussi producteur de la série) est dérangé dans ses vacances. Le fameux message, toujours accompagné du célèbrissime thème de Lalo Schiffrin, lui annonce qu'un affreux jojo s'est emparé d'un virus dénommé Chimera. Hunt constitue une équipe béton et se retrouve en Australie, siège des vilains. Toute fois, il prend le temps de faire une escale en Espagne pour recruter l'élément féminin de son team. Elle s'appelle Nyah Hall (Thandie Newton), elle est métisse, déborde de charme et a la lourde de tâche d'infiltrer le clan adverse en faisant tourner la tête de son chef, qui n'est autre que son ex. Le reste se résume à une lutte entre le bien et le mal et à une romance entre Hunt et Nyah difficile à concrétiser aux vues des circonstances dans lesquelles elle prend naissance.
D'accord le scénario est moins captivant que celui du premier opus réalisé par Brian De Palma et rappelle un peu trop celui de «Face Off» par son utilisation outrancière des masques. Hunt n'est plus le seul à détenir le secret du changement d'identité. Les méchants s'y sont mis entre les deux épisodes, si bien qu'on ne sait plus qui est qui et que l'on se lasse un peu de ces personnages qui se démasquent une, deux, trois fois de suite. Mais ce que l'on demande à John Woo, c'est de l'action. Et là, on est copieusement servi. Dès le début, à la première apparition de Tom Cruise, le cinéaste déploie tout son talent: la caméra suit Hunt en pleine ascension d'un pic rocheux vertigineux grâce à des mouvements d'hélicoptère incompréhensibles, mais cohérents. Et bien sûr, Hunt frôle la mort en dévissant avant de se rattraper miraculeusement dans une prise de kung-fu. Et c'est ça la touche Woo: faire faire des folies aussi bien à sa caméra qu'à ses comédiens, si bien que le spectateur ne peut que se laisser entraîner dans ses chorégraphies étourdissantes.
Chez Woo, une simple poursuite de voitures devient un ballet parfait. Pour en arriver là, le cinéaste compose ses séquences en les montant sur une musique soit qui existe déjà, soit qu'il s'imagine. La scène du flamenco est un exemple parfait de la première méthode où il juxtapose montage parallèle pile au rythme de la musique, tandis que la poursuite automobile sur une petite route de montagne d'Espagne laisse deviner, malgré l'absence de musique proprement dite, une mélodie très précise dans l'agencement des plans. On taperait presque le rythme du pied sans s'en rendre compte. D'ailleurs ce n'est pas la seule référence musicale: tout le film fonctionne comme un adagio, avec montée progressive jusqu'à l'explosion absolue. Les quarante dernières minutes sont à couper le souffle. Tout y est dosé de manière à donner le tournis: combats à main nue, gunfight et une poursuite à moto indescriptible.
Mais on savait déjà que John Woo est un maître de l'action, par contre, avec «M:I 2», il met au premier plan un sentimentalisme à la limite de la caricature. Il s'amuse à grands coups de ralentis sur son héroïne (Ah, l'envolée de l'écharpe!) et fait en sorte que son couple d'amoureux soit tout le temps perturbé par sa mission officielle, comme si le vrai enjeu du film serait cette romance impossible. En ce sens, la conclusion vient remettre les pendules à l'heure: John Woo a un cœur d'artichaut, mais possède un sens de l'humour bien à lui pour ne pas paraître nunuche quand, par exemple, il filme ses fameux vols de colombes blanches. On ne peut que rire, car on les attend inconsciemment et elles arrivent au moment où on s'y attend le moins, au milieu d'une scène d'action trépidante. Finalement John Woo ne cherche pas à innover à tout prix, mais s'amuse en nous amusant, comme un enfant espiègle.