Celui qui voulait être l'Elu

Il est partout, dans toutes les affiches, dans toutes les scènes, dans tous les dialogues. Le dernier Mission impossible pourrait tout simplement s'appeler « à la gloire d’Ethan Hunt » tellement le film lui sacrifie tout — du scénario aux personnages. Je suis assez lucide pour ne pas considérer la franchise MI comme étant un sommet du scénario avec des schémas éculés. Mais de manière globale cela restait des films d'action plaisants. On passait un bon moment. Il y avait un bon équilibre entre action et dialogue, ce n'était pas d'une incroyable qualité scénaristique mais en tout cas il y avait une bonne dynamique de groupe, du rythme, du spectaculaire. Ces éléments positifs pouvaient faire pardonner des intrigues similaires d'un film à l'autre ainsi que retournements de situation un peu trop grossiers. Après tout, on aimait bien les idées d’espionnage et les gadgets un peu farfelus.

Le film précédent nous montrait déjà les limites d'un univers entièrement phagocyté par Tom Cruise. Ogre omniprésent, il broie et efface tout sur son passage. Toute scène dont il est absent est expédiée, les autres personnages ne font que le glorifier et répéter l'impact de cet homme sur le monde et les trop nombreux flashbacks cherche au forceps à relier tous les films dans une tentative de souligner sans relâche le génie d’Ethan Hunt. Le film est la suite directe du précédent et il faut désormais trouver un moyen d'enfermer l'IA dévastatrice tel un génie dans une lampe avant qu'elle ne décide de lancer l'arsenal atomique sur le monde. Sur ce scénario aussi fin que du papier à cigarette qui adore les gros plans sur des missiles peints aux couleurs des pays nucléarisés, le film va étirer au maximum toutes les scènes d'action souvent jusqu'au ridicule pendant qu'il va compresser au maximum tout ce qui ne permet pas à Tom Cruise de faire des cascades. Certaines scènes comme celles de l'avion finissent par rappeler davantage Buster Keaton par leurs cocasseries et leur comique (involontaire) de répétition. Comme tout le monde j'ai beaucoup aimé la scène du sous-marin qui est par définition un lieu idéal pour allier tension, action et spectaculaire. Mais là aussi le film va un peu trop loin et le fait de le rouler sur lui-même et le plonger dans les abysses frôle l'overdose.

Ce MI est une bulle qui éclate, c'est du gavage d'oie et notre foie ne résiste pas. A force de trop en faire autour du démiurge Tom Cruise, le film devient ennuyant — et je vous passe les incohérences scénaristiques. Fini les astuces technologiques ou gadgets analogiques et la réflexion. Les antagonistes sont peu charismatiques et les personnages secondaires mièvres et peu utiles (pauvre Pom Klementieff et ses répliques nulles en français). Le montage en dehors des scènes d'action est chaotique, alternant des charcutages et de longues scènes d'exposition soporifiques, les enjeux personnels disparaissent derrière la fadeur des relations.

Voilà, MI ça semble fini (on ne sait jamais), mais c’est plus un embourbement qu'un feu d'artifice.