Un tournant de cinéma français sur la violence intime du couple

Maïwenn signe ici un film incandescent, presque trop vivant pour tenir dans un cadre. Et c’est précisément cette intensité qui rend Mon Roi si captivant. On y entre comme dans une chambre dont la porte a claqué trop fort : tout tremble déjà, et l’on ne sait pas encore si ce sera d’amour ou de vertige.


Le film suit la relation toxico-magnétique entre Tony et Georgio, mais Maïwenn refuse les facilités du mélodrame. Elle capte le chaos amoureux dans son grain le plus brut : les emballements, les illusions, les abandons, les rechutes. Rien n’est théorisé, tout est vécu, presque à vif. On sent la caméra collée aux émotions comme un stéthoscope posé sur un cœur qui bat trop vite.


Emmanuelle Bercot livre une performance troublante, traversée par une vérité qui ne s’explique pas : elle encaisse, elle résiste, elle recraque. Son corps devient le champ de bataille d’une passion qui la déborde, et Maïwenn en fait un véritable fil narratif. Quant à Vincent Cassel, il joue Georgio avec une ambiguïté redoutable. Charme, danger, séduction carnassière : il compose un personnage qui brille et brûle en même temps. Le duo est d’une précision presque animale.


Le montage, nerveux et organique, reflète parfaitement les cycles de leur relation : euphorie, chute libre, accalmie, rechute. Aucun artifice pour lisser les aspérités. Maïwenn assume les ruptures de ton, les scènes sans confort, la crudité des sentiments. Elle filme la dépendance affective sans jugement, mais jamais sans lucidité.


Le film n’est pas seulement une histoire d’amour qui déraille. C’est une exploration de la manière dont on se perd en voulant trop aimer, de la façon dont une relation peut devenir un territoire où l’on s’épuise à chercher une version de soi qui n’existe plus.


Mon Roi laisse derrière lui une drôle de vibration : la sensation d’avoir assisté à quelque chose de profondément humain, parfois laid, parfois magnifique, mais toujours sincère. Maïwenn saisit ce qui se dérobe d’habitude à la caméra : la part obscure des passions, celle qu’on préfère taire

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il y a 5 jours

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Miss Chrysopée

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