En France, beaucoup de styles marquants ont déferlé, innové, conquit le monde. Le genre qui va suivre n’a lui, pas conquit le monde, ni même les français. Un tableau froid, un combat de classe, mais surtout un acte immoral et une atmosphère poisseuse à crever. C’est dans cette optique que s’ouvre un film ambitieux, mais peut-être trop vilain pour un public non averti (10 000 entrées). Adapté d’un roman de Joan Aiken (plus habituée aux romans de jeunesse), le film analyse la violence en tant que cause et non que conséquence. L’horreur à la source, comme pilier d’un déchainement de haine méthodique et calculé. Pourquoi avoir peur ? Qui doit se reprocher des choses ?


David et Elaine Briand (Jean-Pierre Bacri et Nicole Garcia) vivent avec leur fille dans leur nouvelle maison éloignée des villes et du bruit. Une maison construite avec les plans de David, architecte de renom. David travaille beaucoup, Elaine s’ennuie jusqu’à ce qu’un vieil ami lui propose de s’occuper d’un studio d’enregistrement. C’est à ce moment qu’apparaît devant leur maison un couple de sans-abri avec leur fille, les Bronsky. La demande formulée, le père (Jean-Pierre Bisson) est engagé comme jardinier tandis que sa femme (Dominique Lavanant) s’occupera de la petite pendant les heures de boulot de David et Elaine. Qui sont ces gens ? Pourquoi ont-ils atterrit là ? Que veulent-ils ?


David et Elaine se sont éloignés, ils s’aiment encore, mais se reconstruisent une vie dans un endroit où ils ne connaissent personne. L’isolement au cœur du suspens, déjà bien connu des chefs d’œuvres « Psychose », « Shining » ou encore « Massacre à la tronçonneuse » et bien d’autres. David est à l’image de son architecture, on ne le changera pas, il est froid et ses émotions ne s’inscrivent plus sur son visage. Elaine, elle, s’adapte, souriante, elle capte les signaux de son mari et les acceptent. Un ménage qui ne va pas fort dans une maison volontairement éloignée de la société. Le constat évident d’une possible séquestration à venir lorsque notre couple de sans-abri apparait. D’inspiration Tatiesque, l’architecture de la maison semble n’attendre que son revêtement adapté, le rouge du sang. Blanc et gris, le lieu ne reçoit que pluie et orage. Lorsque le couple de sans-abri s’approche impunément de la maison, les orages s’intensifient, isolant d’autant plus l’habitat familial, renforçant les craintes à l’encontre de ces derniers.


Au commencement les plans sont larges, et sans mouvements. On observe la maison et ses habitants, de nouveaux fantômes où des spectres en devenir. Les paroles ne circulent presque pas, les dialogues sont au plus simple. Mais lorsque, reprenant le principe technique de Carpenter pour « Halloween », et l’ambition de Bob Clark dans « Black Christmas », une présence s’approche de la maison dans la pénombre et y entre, on perçoit les moindres détails de sa respiration. Ses intentions ne sont pas clairement définies et ne le seront pas jusqu’aux trois quart du film. Cette initiative construit une nouvelle maison dans celle déjà présente. Le couple de sans-abri commence à travailler dans la maison et installe petit à petit une seconde atmosphère, la leur. Deux groupes de spectres s’affrontent dans un lieu qui ressemble de plus en plus à un cimetière. L’amour qui prend le large chez les Briand, la haine qui s’immisce avec les Bronsky. Ils ont un plan, un terrible plan, mais lequel ? Les Briand, eux, ne se doutent de rien, mais jusqu’à quand. Jusqu’au dénouement final, véritable orgie jouissive de bidoche et d’immoralité qui vous hanterons encore, l’oreille posé sur l’oreiller.


La suite de la critique sur le site Le Cinéma du Ghetto : https://lecinemadughetto.wordpress.com/2015/12/09/mort-un-dimanche-de-pluie-1986/

Charlouille
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le 9 déc. 2015

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