Dans les années 1990, un hongrois réfugié aux USA se voit accusé de crimes de guerre qu'il aurait commis en Hongrie plus de quarante-cinq ans plus tôt. Alors qu'il est désormais un grand-père "gâteau" et paisible, adoré par ses enfants devenus américains et son petit-fils. Sa fille, avocate talentueuse, décide de le défendre.


Voilà un résumé qui a la prétention de ne rien spoiler (ou si peu). Costa-Gavras nous invite à un retour sur nous-mêmes. Que savons nous de nos ancêtres ou de nos ascendants, que savons nous en fait de leur histoire que nous ne connaissons qu'à travers leurs souvenirs ?
Au delà de cette question qui peut carrément devenir torturante pour les descendants même si on ne peut, en aucun cas, les en rendre responsables, Costa-Gavras illustre deux autres débats :
Le premier, c'est celui de ces criminels nazis qui ont réussi à passer à travers les mailles du filet pour mille et une raisons et se sont débrouillés pour se refaire une identité ou une nouvelle vie.
Le deuxième, qui est une variante du premier, c'est que dans la lutte acharnée entre ce qu'on appellera plus tard les blocs Est et Ouest, les "connaissances" de certains nazis furent largement utilisées en échange d'un lessivage d'identité (comme celui de Klaus Barbie cité dans le film).


L'exemple qui est pris par Costa-Gavras est relatif à la seconde guerre mondiale mais je suis bien certain qu'on peut étendre ce type de débat à bien des conflits. J'ai souvenir de problème du même genre dans la guerre civile interethnique au Rwanda, par exemple.
Et puis, on se rend compte aussi, notamment lors du déplacement de la cour de justice américaine en Hongrie pour l'audition d'un témoin, que bien des gens n'ont pas intérêt à voir ressurgir les fantômes du passé ...


Le personnage central du film est bien évidemment l'avocate, Ann Talbot, qui prend en main la défense de son père, persuadée au départ qu'il y a certainement une confusion d'identité. Le procès est sans concession avec l'accumulation de témoignages tous plus horribles les uns que les autres et la défense qui rend coup pour coup.
L'actrice qui interprète ce rôle est une formidable et émouvante Jessica Lange que je ne connaissais guère qu'à travers "King Kong" et "le facteur sonne toujours deux fois" où elle était, certes pas mal, mais … Là, je dois dire qu'elle est impressionnante dans sa pugnacité et sa recherche de la vérité coûte que coûte.
Le personnage est assez complexe entre sa combattivité, sa dureté face au procureur et son émotion quand la vérité (enfin, une vérité !) se fait jour.


J'ai vu que Kirk Douglas et Walter Matthau auraient été intéressés par jouer le rôle du père. Costa-Gavras a préféré l'acteur est-allemand Armin Mueller-Stahl qui est moins connu (de moi en tous cas) ; je pense que c'est plutôt une bonne décision car correspond mieux à rendre le personnage incognito et discret du film.
Costa-Gavras joue beaucoup sur le physique plutôt sympa mais altier et finalement très froid du père en opposition avec le portrait de la fille. La caméra se fixe parfois sur un oeil bleu - transparent ! - qui fixe les témoins de la partie adverse sans ciller. Innocent ou coupable ?


A signaler aussi le jeune acteur Lukas Haas qui joue ici le fils d'Ann Talbot, l'avocate qui avait joué le jeune Samuel dans "Witness" de Peter Weir.


Music-box est un film intéressant par les diverses problématiques abordées que Costa-Gavras illustre subtilement à travers le combat juridique qu'une avocate entreprend pour défendre la mémoire de son père

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le 2 avr. 2022

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