le 8 oct. 2025
La jeunesse crée dans la rue
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Richard Linklater s’empare du biopic pour le retourner comme un gant. Plutôt que d’embaumer un génie, il ressuscite un moment de grâce et de désordre: la naissance d’un cinéma libre, celui de Jean-Luc Godard et de "À bout de souffle" (1960). En reconstituant le tournage du film emblème de la Nouvelle Vague, Linklater redonne vie non pas à une légende, mais à une étincelle, celle de la création au présent.
À l’heure où le biopic sature les écrans, confondant hommage et sanctification, Linklater en propose une refondation : un biopic vivant, débarrassé de toute tentation hagiographique. Le réalisateur de "Boyhood" et "Before Sunrise" s’intéresse moins à la statue qu’à l’élan, moins au mythe qu’à la fièvre du faire. Ce qui l’attire, c’est le risque, cette précarité exaltante des premiers gestes cinématographiques.
Le scénario retrace avec précision le processus chaotique qui mena un critique des Cahiers du cinéma à devenir cinéaste. On y voit un Godard jeune, nerveux, charmeur et parfois odieux, supplier un producteur, séduire Jean Seberg, improviser dans les rues de Paris avec un certain culot. Le film capte ce moment suspendu où tout aurait pu échouer, et où pourtant, le hasard s’est mis au service d’un chef-d’œuvre.
Sous la surface élégante d’une reconstitution minutieuse, "Nouvelle Vague" cache un travail de déconstruction méthodique. Linklater ne filme jamais "À bout de souffle" comme une relique, mais comme une aventure en train de se faire. Son geste est double: restituer un tournage mythique tout en en restituant la fragilité.
Le film s’attache ainsi aux réactions en chaîne : la consternation de Jean Seberg (interprétée avec intensité par Zoey Deutch), les inquiétudes de la scripte devant les faux raccords, la désinvolture de Belmondo, l’angoisse du producteur Georges de Beauregard, la complicité des amis critiques. Ce réseau de tensions donne au récit sa densité humaine, et surtout sa légèreté, ce sentiment rare d’assister à la naissance d’un monde.
Américain tournant en France, Richard Linklater s’amuse de sa propre position. "Nouvelle Vague" devient le miroir inversé d' "À bout de souffle", un dialogue transatlantique entre deux manières de faire du cinéma : la spontanéité française et la rigueur américaine. La reconstitution technique est d’une précision quasi documentaire, mais l’interprétation, elle, respire la liberté.
Guillaume Marbeck, dans le rôle de Godard, impressionne par la justesse de sa présence : il ne joue pas le mythe, il joue l’homme avant le mythe. Autour de lui, Aubry Dullin et Zoey Deutch composent un trio vibrant d’énergie juvénile, tandis que Linklater multiplie les clins d’œil aux compagnons de route du cinéaste : Chabrol, Rivette, Truffaut, Varda, tous filmés avec la même attention, qu’ils soient célèbres ou anonymes.
Ce qui touche le plus dans "Nouvelle Vague", c’est la joie double qui traverse le film : celle d’un réalisateur américain découvrant Paris et celle d’un cinéaste qui retrouve, à travers le geste d’un autre, l’émerveillement du premier film. Linklater transforme le biopic en méditation sur le cinéma lui-même, sur la manière dont chaque tournage condense le passé, le présent et l’avenir d’un art toujours recommencé.
En ravivant la flamme d’ "À bout de souffle", il signe une œuvre paradoxale, un hommage qui refuse la nostalgie, une reconstitution qui respire l’instant. "Nouvelle Vague" n’exhume pas le passé, il nous rend contemporains de sa naissance.
Créée
le 10 oct. 2025
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