Même si Mankiewicz a d'innombrables synapses à connecter, il n'installera personne sur le billard. Sans l'ombre d'un scalpel, les pelotes de neurones emmêles deviendront d'autres pelotes emmêlées, bizarres, évidées de trous inédits, comblées de nouveaux ponts.

Inutile de toucher aux cellules elles-mêmes, ces précaires fragments de corps déjà en décomposition dont l'existence suffirait à agiter d'un rire flegmatique l'organisme inoxydable de Cary Grant ; laissons les cadavres, il s'agit plutôt de grands axes effrayants, la vie, la mort, le rien, et autres friandises. Images et sons suffisent.

Prenez un chien. Noah Praetorius sprinte à l'horizon dès qu'apparaît cette gueule de dents étrangement placée tout à l'avant, pleine de l'idiotie de trop être une arme. Se prendrait-on d'amitié pour quelqu'un qui mord les doigts qui passent à portée ? Parfois oui, parce que les amis se reconnaissent ailleurs, hors de ce macabre circuit qui fait rire les squelettes et compter les pauvres gens.

Donc d'un bout à l'autre il y a de quoi haleter : sur l'écran la progression parcourt adroitement une fine marge, celle entre les deux excès, la vie et la mort. Dans l'une ou dans l'autre, vie ou mort, rien ne dit qu'on s'y tiendra pour toujours, quelque part des petits trains continuent peut-être à avaler les rails. Entre les deux, la pellicule avance vaillamment, elle ne revient pas deux fois dans le même décor, ou bien les lieux ont changé d'allure : l'orchestre s'échauffe, puis le concert a lieu : on est passé de la répétition à la représentation. Et comme par hasard, des lignes autonomes se synchronisent, musicales ou ferroviaires. Il faudra tout un film pour s'y retrouver, le temps de définir les rôles.

Un chamboulement discret a opéré. Après un bonbon, le docteur prépare la choucroute, garantie sans emballage plastique.
poulet
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le 25 févr. 2014

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