Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures par timgerardin

Dans le cas du film thaïlandais, nous sommes dans un monde où les hommes cohabitent avec les fantômes, les poissons-chat et les hommes-singe. Weerasethakul a pris soin d'installer une ambiance de semi-obscurité capable d'accoucher de toutes ces créatures, un peu comme une chambre noire ferait apparaître des reflets invisibles à l'oeil nu. Nous nous perdons dans des environnements peu favorables à la profondeur de champ: la nuit tombante, le voile d'une moustiquaire, les ténèbres d'une grotte, la jungle... Cela donne une esthétique animale, instinctive, qui va à l'encontre de notre perspective ordinaire. Il est étonnant de voir avec quelle facilité l'animisme d'Oncle Boonmee rassemble la mystique naturelle et les références de civilisation: les créatures surnaturelles semblent sorties de je-ne-sais-quel Star Wars, elles sont amenées dans un futur antérieur qui fait penser à La Jetée de Chris Marker, et la contemplation d'une jungle toujours identique finit par se mélanger à l'hébétude du spectateur de télévision.

Le problème de cette manière tâtonnante, qui se complaît dans l'obscurité des grottes, c'est que le mystérieux finit par s'y confondre avec le fumeux. On navigue entre le mutisme primitif du buffle, au début du film, qui s'enfuit en reniflant le sol, et les interprétations verbeuses. Par exemple celle qui veut que la mort d'Oncle Boonmee soit aussi une naissance, puisqu'elle se passe dans une grotte, bien sûr comparée à un utérus. Comme si l'obscur était une façon maligne de laisser imaginer mille choses sans avoir besoin de leur donner la moindre consistance. Dans le genre érotisme vaseux, il y a enfin une scène d'amour entre une princesse et un poisson-chat: le regard se perd dans une eau sale, agitée de vilains spasmes. Tous ces personnages parfois émouvants auraient été les parfaits protagonistes d'un conte si Weerasethakul n'avait pas choisi de présenter au spectateur civilisé le reflet facile de la complication.
timgerardin
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le 5 oct. 2010

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