Ong-Bak
5.7
Ong-Bak

Film de Prachya Pinkaew (2003)

Europacorp, dans les années 2000, avait la fâcheuse tendance d'associer une esthétique générale épileptique à des types de bande-son techno du début du millénaire, répétitives et affreusement difficile à écouter. Leur manque de profondeur transmettait à l'époque un manque de relief à chacun de leurs films, la franchise Le Transporteur en première ligne. Ong-bak, à la base accompagné d'un rock thaïlandais des plus efficaces, s'en trouve particulièrement gâché par ce mélange techno-hip hop qu'Europa appréciait particulièrement et vient remplacer, vous l'aurez compris, sa soundtrack de base.


Cela détruit toute l'identité de l'œuvre, les éléments culturels qui caractérisaient son pays d'origine et la résume au triste statut de produit commercial Europacorp comme il en sortait beaucoup trop à l'époque. Sans autre identité que celle du studio qui s'approprie sa culture d'origine et la refaçonne pour coller toujours plus à ce qu'il pensait être les codes du cinéma populaire français de l'époque, ce premier film perd tout intérêt dès lors que les premières notes de musique se déclarent et déclarent avec elles le profond décalage dans lequel s'inscrira le film, qui ne sait jamais sur quel pied danser.


En plus de cela amputé de nombreuses scènes de développement de personnages (en particulier celui de la sœur), Ong-bak se voit résumé au statut de coquille vide au joli enrobage de haute voltige, et perd au profit de son action toute la profondeur que l'introduction dans le village du héros laissait espérer. Incapable de raconter autre chose que des scènes de cascade, il s'évertue néanmoins, à quelques reprises, à virer dans le drame et les sentiments.


Chose qu'il est bien sûr incapable de faire : étant donné que l'on attend tous d'un tel film qu'il nous propose de généreuses scènes de combat, s'il doit s'essayer aux registres plus intimistes, à échelle plus humaine et sensible que celle de la baston, il doit exceller dans ce qu'il proposera. Sinon, l'addition, salée, le projettera au stade d'œuvre ratée, perdue entre deux eaux, entre la volonté de divertir de façon brute et l'identification du spectateur dans ses situations et personnages.


Etant donné qu'il est incapable de caractériser ne serait-ce que son personnage principal, le premier volet de cette trilogie désastreuse (chaque film rabaissera le niveau un cran plus bas), à l'image de sa bande-son décalée, ne sait pas sur quel pied d'écriture danser : le bourrin ou le mignon, l'irréfléchi ou le développement des rapports entre protagonistes et antagonistes? Un peu de tout cela à la fois pour finalement bien peu de choses.


Si l'on ne se souvient ni du prénom (sans faire de recherche) ni de ce qui caractérise Nong Pradu (interprété par le fabuleux Tony Jaa), il est curieux de se rendre compte que chacun des autres personnages est résumé par son utilité au scénario : la fille comme la touche féminine de l'intrigue, le troisième acolyte comme le comic-releef insupportable, le méchant… comme le méchant de l'histoire.


Rien de bien nouveau sous le soleil, ni même de gênant. C'est lorsqu'il tente de virer dans des enjeux à plus grande échelle, dans cette quête de la relique qu'il faut ramener au village qu'Ong-bak se vautre la face dans la boue : incapable de filmer cela d'un point de vue extérieur et de gérer ses acteurs en conséquence, il supprime tout enjeu dès sa scène d'introduction du village et de la relique volée, empêchant le spectateur de s'intéresser au point d'encrage de l'intrigue.


Bien heureusement, ce dernier, peu attentif aux passages parlés (très peu intéressants, soulignons le) se concentrera sur ces cascades et combats tous exécutés par l'incroyable Tony Jaa, machine à pirouette dans la lignée, en forcément plus spectaculaire puisque plus moderne, du regretté Bruce Lee qu'il égale sans peine (mais différemment, il faut le préciser). Et dans ces moments là (presque privilégiés), on se surprend à le considérer avec un regard nouveau, presque fasciné.


Ong-bak serait-il un grand film d'action?


Cette abominable question travaille l'esprit durant toute sa durée : c'est bien parce qu'il ne sait jamais où se placer entre raconter et vivre, entre le joli et le brutal qu'on ne peut répondre à cette question que par une affirmation douloureusement négative. Celui qui pourtant proposait les plus belles cascades et les combats les plus spectaculaires de sa génération, qui égalait enfin le spectaculaire des plus grands films de Bruce Lee, se perd parce qu'il ne sait pas dans quelle direction avancer.


A force d'hésiter à marcher, on termine la route en surplace, à rien pouvoir faire d'autre qu'observer sa propre déchéance par manque de talent, de régularité, d'ambition. Ong-bak, ce gâchis monumental.

FloBerne

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