C'est sans doute le film le plus surprenant que j'aie vu cette année.
Le point de départ est simple : un certain Arthur Hamilton est contacté par un ami qu'il croit décédé et se voit proposer un nouveau départ a zéro : changement d'identité, de vie, de personnalité, de profession. le tout pris en charge par une mystérieuse organisation... Son parcours à travers cette "renaissance" n'est pas présenté de manière linéaire mais plutôt comme un puzzle dont on nous livrerait les pièces dans le désordre. Tout au long du film, on s'interroge sur la nature et les objectifs de cette étrange organisation, et sur les moyens inquiétants qu’elle emploie pour mener a bien ces transformations ; sur les motivations de ceux qui ont recours à ses services ; sur les attraits mais aussi les dangers d’un tel “reformatage”. Mais au-delà de l’intrigue proprement dite, le film nous interroge aussi sur nous-mêmes, sur notre impuissance à nous satisfaire de notre vie, sur la vanité de notre désir, sur notre incapacité a changer, sur le caractère illusoire de notre liberté, en fin de compte sur ce qui pour chacun donne sens à l’existence.
Certes le sujet, depuis, a souvent été traité au cinéma, mais le film de Frankenheimer est totalement original, tant par le réalisme de son propos, qui l’éloigne résolument de la science-fiction et l'ancre dans le quotidien, que par son style surréaliste, qui au contraire donne aux plans les plus banals des apparences de rêve... ou de cauchemar. Formellement, le film est un bijou de mise en scène : montage précis et efficace, photographie impeccable, jeu de déformation des images audacieux et toujours maîtrisé. Le générique de début mérite à lui seul une mention spéciale, petit chef d’oeuvre (signé Saul Bass) qui plonge d’emblée le spectateur dans un univers mystérieux, sombre et inquiétant. Tout sera à l’avenant, depuis les premières minutes du film, jusqu'à la scène finale, que je ne déflorerai pas, mais qui est d’une incroyable intensité.
Le film s'appuie sur un scénario diaboliquement efficace, et doit aussi beaucoup aux acteurs : Rock Hudson, dans un rôle à contre emploi, mais aussi trois acteurs moins connus car ayant figuré sur la fameuse liste noire d’Hollywood : John Randolph, Will Geer, et Jeff Corey.
"Seconds" semble avoir largement inspiré les maîtres du fantastique et de la paranoïa au cinéma (Fincher avec "The game", Lynch avec "Erserhead", Fleischer avec "Soleil vert"…) mais aussi à la télévision (Le Prisonnier, qui démarre l’année suivante, a une parenté indéniable avec le film de Frankenheimer).
Bref, souvent imité, jamais égalé, ce film vient d'entrer dans mon panthéon personnel.
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