J'ai un gros regret. C'est celui de ne pas avoir pris le temps, durant son vivant, de mesurer combien Émilie Dequenne était une comédienne extrêmement belle, charismatique, rayonnante et talentueuse. De ne pas avoir pris le temps de m'intéresser à elle, à son actualité, à sa carrière, malgré le fait que je l'avais admirée dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait, film dans lequel elle écrase largement ses partenaires, malgré le fait que j'avais pesté que son personnage dans Au revoir là-haut soit autant sous-exploité, alors qu'elle était formidable dans le trop peu qui lui était donné. De ne pas avoir pris le temps de regarder beaucoup plus de films ou de téléfilms avec elle. C'est l'électrochoc particulièrement intense de l'annonce de son décès (putain, 43 ans… !) qui m'a ouvert les yeux quand la valeur inestimable, humainement et artistiquement, de cette artiste. Faute d'avoir su lui rendre hommage autant que je l'aurais dû lors de son bien trop court passage parmi nous, j'essaierai d'être plus à la hauteur après sa disparition, lentement, mais sûrement.
Et pourquoi pas commencer par ce Oui, mais..., seul long-métrage, bien tombé dans les limbes de l'oubli, de son réalisateur, Yves Lavandier. Monsieur qui a écrit quantité d'ouvrages sur la dramaturgie et l'écriture scénaristique. Livres certainement légitimes vu que, sur ces plans, l'ensemble est digne d'intérêt. Par contre, heureusement qu'il s'est abstenu d'écrire quoi que ce soit pour ce qui est de mettre concrètement en scène un film.
Ouais, parce que la réalisation, pour ce qui est de la photographie, de la musique et de la direction d'acteurs (si je fais exception des deux principaux !), n'est guère au-dessus du kitsch d'un téléfilm érotique, de la même époque, diffusé en troisième partie de soirée sur M6. C'est plat et laid. Et les interprètes sont pour la plupart médiocres. En particulier les plus jeunes du lot, dignes des acteurs des séries AB Productions (vous savez, le genre de merdes qui passaient sur TF1 dans les années 1990, comme Hélène et les Garçons !). Il suffit de les voir partager des scènes avec Émilie Dequenne pour se rendre encore plus compte que le talent de jouer est inné que chez un nombre vraiment très limité de personnes.
L'intrigue suit une lycéenne de 17 ans qui se décide à faire une thérapie auprès d'un psychothérapeute aussi bienveillant que compétent, pour mieux faire face à un environnement familial assez étouffant et à elle-même...
Alors, j'y connais que dalle en psychothérapie, donc je vais m'abstenir de faire le moindre commentaire sur ça. Par contre, je ne vais pas gêner pour ce qui est de mettre en exergue les quelques belles qualités d'écriture qui ressortent. À commencer par le parti-pris intelligent de ne pas voir le psychothérapeute en dehors, non seulement de l'exercice de sa profession, mais aussi de son cabinet. Ce qui n'empêche pas de donner un personnage fort, sans pour autant s'écarter du sujet, de l'important, à savoir la patiente. Et à propos de cette dernière, son évolution psychologique positive, avec quelques inévitables accidents de parcours, est tout à fait crédible. En outre, les relations entre les deux personnages sont touchantes et drôles. Il y a réellement une chaleur humaine agréable à se dégager de leurs interactions.
Et, dans cette optique, il ne faut pas oublier de rendre à César ce qui appartient à César, dans ces rôles, Émilie Dequenne et Gérard Jugnot sont excellents. Si le film se regarde, en dépit de ses gros défauts, sans déplaisir, c'est en grande partie grâce à eux.
Bref, pour conclure, en conservant le même duo d'acteurs principaux, le même scénario (donc avec Yves Lavandier ne s'occupant que de cela !), mais avec un réalisateur un minimum solide, sachant choisir et diriger la bonne équipe technique ainsi que le bon casting, Oui, mais... aurait pu être une franche réussite. Dommage...