Hélas le mois de Novembre semble porter malheur quand il s'agit de faire revivre les épopées médiévales. Petite piqûre de rappel après la catastrophe Knightfall l'année dernière; non Gabriel, ce ne sont pas les américains qui réussiront à donner un semblant d'authenticité à cette fascinante époque qu'est le moyen-âge!


Malgré une réalisation et une photographie magnifiques, une fois de plus tout le problème réside dans l'écriture des personnages et du scénario.


Et pourtant, quelle introduction à couper le souffle! Ce somptueux plan séquence qui nous dresse en cinq minutes le poids et la tension de cette paix fragile et incomplète. On peut palper dans les regards la complexité des relations entre ces nobles anglais et écossais qui ont, pour la plupart, grandit ensemble avant de se déchirer dans des années de massacre. Tout est là! Cruauté, camaraderie paillarde, haine, amour et humiliation. Résignation chez les uns, arrogance et bienveillance condescendante chez les autres. Hélas la béatitude n’aura pas été longue, car une fois la scène d’intro terminée et les protagonistes rentrés chez eux, les stéréotypes sortent au grand jour, d’abord timidement, puis s’amoncellent sans la moindre gêne!


Robert Bruce père s'excusant à un serf qui se plaint de payer trop d'impôt en prétextant que c'est la faute des Anglais? pourquoi pas. Même si l’envoi aux oubliettes aurait été plus crédible.


Robert Bruce fils se comportant en parfait gentleman avec sa nouvelle épouse? Je lève un sourcil apercevant avec inquiétude la direction dans laquelle le film commence à nous emmener.


Meurtre de John Commyn de sang-froid? Quoi me serais-je trompé? Bruce serait-il un personnage complexe qui se servirait de la cause écossaise pour s'approprier le pouvoir? Ah non tout va bien, le film, quel distrait, oublie de montrer l’assassinat sauvage de l'oncle de Commyn, (qui a eu lieu en même temps que celui de son neveu) tandis que dans la foulée le crime est absous par l'ensemble des évêques écossais. C'est qu'il ne faudrait pas donner l'ombre d'un doute sur la rigueur des antécédents moraux de notre antagoniste améric... euh pardon écossais préféré! Puis, s'étant dévoilé, le film nous relate peu à peu la même histoire qu'on a déja vu mille fois à travers tous les âges et toutes les époques. L'histoire d'un studio qui, ne voulant pas bouleverser les valeurs morales de ses spectateurs, ne se donne pas la peine d'essayer de donner le début d'un semblant d'authenticité au moindre de ses personnages, se complaisant parfaitement dans des stéréotypes grossiers et ridicules; prince de Galles psychopathe en raison du manque d'amour paternel, James Douglas en ami fidèle qui massacre allègrement les méchants anglais mais se comporte en vrai père de famille avec ses serfs, Elisabeth de Bruce acceptant avec résignation toutes les humiliations quel que soit le prix à payer, Valence en bourreau sanguinaire méprisant le code de chevalerie. Le fabuleux discours de motivation de Bruce "I don't care what you're fighting for as long as you fight" (j’ai dû repasser la scène deux fois tellement je n’en croyais pas mes yeux). Et bien sûr, le combat final à l'épée, au milieu du champs de bataille entre le gentil héros et le méchant tyran.


A aucun moment, on ne soulève le moindre questionnement sur l'horreur de la société féodale écossaise, la complexité des enjeux de pouvoir, l'obligation de se salir les mains pour faire la guerre, pas plus qu'on ne met les antagonistes face à des choix moraux difficiles. Non, une fois de plus, et je pense qu'on y est condamné, l'horreur est le lot des méchants, et chacun des choix des antagonistes est juste et défendable.


Certains diront que ce n'est pas grave, qu'après tout ce n'est qu'un film et que ce ne sont que des détails. Mais le drame, c'est qu'à cause de ce genre de besogne, beaucoup de gens pensent que c'est ça l'Histoire; des opprimés aux valeurs héroïques luttant contre des psychopathes tyranniques. Et quand il s'agit de retransmettre des faits historiques d'une telle importance, tout ca doit-nous mener à une question simple mais fondamentale; pourquoi Game of thrones est tellement plus crédible que Outlaw king?

GabrielCohen
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le 10 nov. 2018

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Gabriel Cohen

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