Passe ton bac d’abord est une franche anti-comédie adolescente, et même si je n’ai pas vu de comédies adolescentes des années 70, je vois bien en quoi celle-ci se moque des codes du genre. Les personnages d’ados se mélangent et parlent l’un sur l’autre, ne se distinguent pas, et l’on voit encore le projet de Maurice Pialat qui souhaite dépeindre le plus fidèlement possible une génération et des comportements plutôt qu’une intrigue.

Le problème principal est le son, mais c’est peut-être les conditions de visionnage qui ne m’ont pas permis de comprendre ce que disent les acteurs. Toujours est-il que leur articulation ne permet pas de tout bien comprendre, ce qui est par moments agaçant. Autre point faible : le jeu d’acteur dans certains passages « d’hystérie » (moments obligés apparemment chez Pialat), notamment la mère qui enrage contre sa fille lorsqu’elle la provoque, et pousse la table et casse un meuble… je n’y crois pas tellement à ce moment-là, c’est trop brusque, enfin j’ai été sorti du film.

J’ai aussi l’impression que, pour l’instant, c’est le film le plus décousu que j’ai pu voir de Pialat. Comme d’habitude, pas vraiment d’intrigue, mais les personnages sont tout de même rendus d’un point A à un point B. Mais là, je trouve qu’il y a un ventre mou au milieu du film, les ellipses qui sont toujours bien marquées chez Pialat le sont peut-être un peu trop ici, il y a un peu trop de personnages qui se confondent assez facilement (j’avoue que, malgré la moustache distinctive de… Bernard je crois, j’ai tout à fait confondu les deux blondinets Philippe et Bernard !).

Cependant une grande justesse là encore dans la description des rapports humains et sociaux à l’adolescence, et un côté quasi-documentaire qui rend fascinant la présentation de cette bande de jeunes du Nord dans les années 70. Je trouve que ce film est moins « émouvant » que d’autres comme L’Enfance nue ou A nos amours, mais qu’il est assez marquant dans certains dispositifs narratifs osés qui restent en mémoire.

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Déjà, les plans sont toujours beaux ou bien entendus. Je pense au moment où la caméra prend en charge l’encadrement de la porte de la classe : elle permet de voir en profondeur les élèves dans la classe se diriger vers la sortie, et aussi de voir ceux qui se dirigent dans le couloir pour en sortir, puis de les suivre. De même, au moment où Philippe arrive chez sa copine, le plan se partage élégamment entre la mère, qui va et vient dans la profondeur du champ, Philippe à droite dans son coin, et la fille dans un autre coin de l’image. Je trouve ces images particulièrement parlantes.

Certaines scènes sont à la fois touchantes, drôles et pathétiques, comme celle du pauvre mec qui paie le repas à tous les jeunes pour avoir essayé de se rapprocher d’eux, puis leur court après. Pathétique mais si vrai, si plausible. Il essaie d’avoir un pouvoir sur eux, et se fait rouler, pour la jubilation amère du spectateur.

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Une séquence que je trouve géniale est celle du supermarché. On voit d’abord ce mec pathétique suivre une femme pour la mater délibérément. Sans faire exprès il se retrouve à pousser une femme handicapée au lieu de son chariot, c’est assez drôle comme moment. Parallèlement on retrouve la jeune fille qui est avec son copain au supermarché et recroise son prof de philo (qui aime boire des coups avec ses élèves d’ailleurs, on se sent vraiment dans les 70’s…), puis on retourne sur le pauvre type qui mate une femme : cette femme se fait attraper avec la sécurité en train de voler, ce qui fait que la caissière se fait engueuler pour n’avoir pas bien fait son travail, caissière qui est un autre personnage du film, une jeune fille qui n’a pas eu son bac et se retrouve à bosser en supermarché.

J’ai beaucoup aimé la manière dont ici toutes les histoires et les personnages du film se retrouvent mêlées, même si beaucoup de scènes semblent un chaos ou un brouhaha narratif, ce genre de séquences permet de créer une cohésion et ce sentiment de vie, où l’on croise différentes personnes qu’on connaît, qui sont toutes liées par un fil.

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Sur le moment je n’ai pas eu l’impression la plus forte en regardant ce film, mais après coup je le trouve marquant (à l’instar d’A nos amours qui m’a davantage encore marqué après le visionnage que pendant). C’est le genre de film auquel on repense, pour un bon mot, un personnage, une image, une situation, le genre de film qui vous accompagne.

Même si je le trouve moins fort que L’Enfance nue ou A nos amours, c’est peut-être un des meilleurs Pialat que j’ai vus, car on peut dire que son style aboutit et se réalise pleinement. Je suis très content de découvrir l’œuvre de ce réalisateur, et ce film m’en a l’air tout à fait caractéristique.

burekuchan
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le 8 sept. 2025

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