Tout d'abord, réaction à chaud, dimanche après-midi, 19 Septembre 2021.
Je ne sais par où commencer. Je me dis qu'il faudrait que je le revoie une deuxième fois pour bien cerner tous les thèmes abordés, toutes les métaphores visuelles et sonores qui jalonnent le film, comme ces petits bonbons de toutes les couleurs s'échappant de leur prison de verre comme un joyeux bordel de vie et de création.
Est-ce un western ? Pas tout à fait, et pas seulement.
Est-ce un film de samouraïs ? Oui ! Mais pas totalement.
Est-ce un film post-apocalyptique à la Mad Max? Oui, mais une sorte d'anti Mad Max Fury Road.
Est-ce un film militant ? Oh oui! Mais plus subtil qu'il n'y parait.
Est-ce un film d'action ? (Il est rangé dans cette catégorie sur le site) Je ne pense pas, justement, il n'y a pas ou très peu d'action. La violence si adorée dans le cinéma à notre époque est ici seulement évoquée, montrée de manière toujours un peu cachée, même dans les scènes de combat et de mort.
Comme si le réalisateur voulait nous signifier qu'elle existe, mais qu'elle n'est pas une fin en soi (le type qui pisse du sang, mais dans la lampe, l'autre qui se fait tranché la gorge, qu'on ne voit que de dos, et tant d'autres exemples). Cela mérite un autre regard pour être décortiqué.
Est-ce un film poétique, onirique? Surement. En tous cas je l'ai ressenti comme ça.
J'ai lu dans une critique que pour apprécier cet objet, il faut avoir pris du LSD.
Je comprend parfaitement cette remarque.
Quand on lis certains poèmes de Rimbaud, on ne comprend pas tout, car ce n'est pas le but.
C'est un film surréaliste.
Il y a du Dali, du Druillet, du Jodorowsky, du Moebius, un soupçon de Kill Bill version hallucinée, quelques pincettes de western psychédélique, un peu de l'univers onirique bizarre du Voyage de Chihiro.
Je ne sais finalement pas trop par quel bout prendre ce film, pas évident.
Et puis il y a fatalement la référence à la folie des hommes, et l'absurdité du pouvoir de l'argent roi (Braquer une banque en pleine fin du Monde, c'est totalement inutile. Jeter des billets à une bande de femmes vénales ayant perdu tout respect d'elles-mêmes ne sert à rien, si ce n'est assoir un pouvoir tyrannique complètement dénué de sens).
Il y aussi une remise en cause profonde et sévère de la folie nucléaire, de la dégénérescence de la nature humaine, de la Nature en général, de la soumission absolue au pouvoir aliénant du Temps, et de la religion (tel ce prophète autoproclamé qui lis des histoires sans queue ni tête à des gens qui luttent pour leur survie, pendant inverse mais tout aussi ridicule que ce Yankee arrogant et débile, en costume blanc).
J'ai apprécié le côté non spectaculaire du film: pas de moyens ahurissants dégueulant d'images de synthèses et de millions de dollars déversés pour en mettre plein la vue et annihiler les consciences, comme ces images de propagandes grandiloquentes des régimes totalitaires du 20ème siècle.
Les décors sont minimalistes, mais les images signifiantes.
Tout est dans l'évocation, des tableaux japonais bizarres, mélanges de tradition et de folie, des stéréotypes américains, singés à l'extrême par des asiatiques faux cow-boys.
Les morts ne sont pas gratuites, et se font dans une sorte de pudeur crue, comme pour dénoncer une violence érigée en vertu, dans nos sociétés folles.
Il y a aussi ce mélange des langues, très bien vu, avec la nécessité pour le spectateur de lire les sous-titres, pour une fois, plutôt que de tout traduire et le conforter dans sa fainéantise intellectuelle.
Il y a même quelques passages non traduits, où seule, encore une fois, la sensation compte.
Cette sorte de prêtresse triste vêtue de blanc est complètement floue, bizarre, et c'est cela qui est bien.
Nicolas Cage en a une sacrée paire, même si il n'en a plus qu'une. Il faut du courage pour aller s'embarquer dans un projet comme ça, complètement à rebours de tout ce que notre époque glorifie.
En plus, ce n'est pas vraiment le personnage principal du film, car tous sont importants, et en même temps aucun.
Pas de justicier, pas de prophète, pas de messie (lapsus révélateur), pas de femme fatale.
Nicolas Cage nous prouve qu'il n'est pas une star, et ça c'est très courageux.
Sofia Boutella est, comment dire, magnifique, MAIS, pas sexuelle.
Pas de paires de fesses en l'air, pas de bouts de nichons qui dépassent, pas de combinaisons sexy punk comme dans Mad Max Fury Road.
Et ce n'est pas par puritanisme comme dans ces films amerloques où tu peux montrer 100 morts à la seconde mais surtout pas un bout de sein.
Une tunique dégueu, la peau sale, les cheveux libres, aucun artifice.
Le seul moment où il y une référence à un début d'évocation d'attirance sexuelle entre Cage et Boutella, celui-ci perd une couille. C'est con n'est-ce pas?
Cage est une sorte de chevalier, mais sans panache, sans arrogance, sans pouvoir, et sans Roi, à moitié mort, mutilé, voir presque bionique, avec ce bout de sabre enfoncé dans son avant-bras tout explosé. Il se fabrique un nouveau membre sans aucun recours à une super technologie robotique quelconque, tant fantasmée.
C'est le contraire de Dark Vador et Luke Skywalker réunis.
L'époque ? Quelle date ? On s'en contrefout, là n'est pas le sujet.
Les images ne sont pas belles, elles sont là pour signifier quelque chose.
Là où Pan Char Wook (un génie, à mon avis) réalise des tableaux presque à chaque plan, dans un souci de beauté manifeste, Sion Sono travaille son image uniquement, ou presque, pour dire quelque chose.
De la même manière, la bande son, à priori banale, avec ses synthés sortis tout droit des années 70/80, m'a fait penser immédiatement à ces films psychédéliques de SF, avec même un petit côté Dune, ce chef d’œuvre de David Lynch injustement décrié, et pourtant si singulier.
Voilà, quelques pistes de réflexion qui ne tiennent qu'à moi, très personnelles, je l'avoue.
Je comprend que ce film puisse agacer, décevoir.
Un ovni totalement hybride comme celui-ci peut paraître totalement déroutant.
J'ai lu dans une autre critique que, je cite, "ce nanar deviendrait culte".
Ce "nanar" n'est en effet pas un film d'intello, à la manière de ces films français vus et revus qui ne tournent qu'autour de situations intimes, nombrilistes, pseudo philosophiques.
Les dialogues ne sont pas envahissants, comme l'action pure.
Ni l'un, ni l'autre.
A la fin, on attendrais à ce que le méchant supposé, le dégénéré nucléaire, avec sa gueule cramoisie, se mette à vouloir tuer tout le monde et déclenche une grosse bonne baston bien gore.
Et bien non !
Tu n'auras pas ta dose de violence gratuite !
Moi je trouve ça très bien, ça fait même un bien fou, pour tout dire.

Eklektik
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le 24 sept. 2022

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Eklektik

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