Là, je sens qu'il faut que je m'explique un peu. En 2014, j'avais vu "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu" alors que j'habitais loin de la France, et j'avais été séduit, oui séduit, par cette idée d'empoigner ces sujets capitaux pour l'évolution de la société française que sont le multi-culturalisme, l'intégration des spécificités de chacune des origines géographiques des "nouveaux Français" dans un système "républicain" de valeurs qui arrive encore à fonctionner, etc. Que tout cela soit simpliste, à la limite de la vulgarité, ne me gênait pas outre mesure : je ne venais pas voir du Cinéma, mais une sorte de "dossier de l'écran" qui permette de se poser des questions basiques sur le vivre ensemble au sein d'un même pays. J'avais bien sûr tiqué sur la solution simplificatrice finale de la réconciliation générale "des mâles" autour de la bouffe et du pinard, mais soyons honnête, une comédie populaire est une comédie populaire, et je préférais tant qu'à faire qu'elle nous parle de la réalité de notre pays en 2014...
L'inévitable suite à un tel triomphe au box office se doit, on le sait malheureusement, de reprendre la même formule en l'accentuant, sans pour autant ne rien révolutionner. On part donc une fois encore sur l'affichage des préjugés racistes entre les différentes communautés, avec l'idée - sympathique, à mon sens - de les ridiculiser, en ne lésinant pas sur la ringardise du couple français de base (enfin de base, n'exagérons rien, il s'agit de riches châtelains du Val de Loire…). La première partie du film semble ainsi fonctionner en pur pilotage automatique, déclinant, avec un systématisme qui ne stimule guère le spectateur, les énormités racistes les plus convenues : le problème, on le perçoit vite, est que, même en se moquant de ces clichés - n'insultons pas Philippe de Chauveron et Guy Laurent (au scénario et au dialogues) en les soupçonnant d'être d'actifs supporters du RN ! -, "Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu ?" marque des buts contre son propre camp en banalisant l'expression sans freins et sans honte de ces clichés, qui se voient presque justifiés par les rires - plutôt rares, et souvent gras et / ou gênés - qu'ils font naître.
Mais là où le film se plante gravement, c'est dans sa seconde partie et sa conclusion, en cherchant d'abord à étendre son sujet à la discrimination contre les "minorités sexuelles", et ensuite, en "trouvant une solution" pour le moins embarrassante dans les "vraies valeurs françaises", c'est-à-dire les valeurs provinciales - encore une fois la bouffe, le vin, et en sus, les beaux sites touristiques des Châteaux de la Loire -, que l'on opposera sans vergogne à l'horreur de la vie parisienne, le tout dans un esprit "cocardier" qui évoque plutôt la France rance des sixties et des seventies.
La simplification à outrance de problèmes complexes de la société française, le recours à des clichés ridicules pour combattre d'autres clichés tout aussi ridicules, sans même parler de l'inanité de la plupart des dialogues et des situations du film, et de la pauvreté des gags mous et peureux, tout concourt à faire de "Qu'est-ce qu'on encore fait au Bon Dieu ?" une expérience plutôt désagréable. Surtout, et c'est plus grave, voilà une autre occasion manquée de parler intelligemment des défis actuels que doit affronter la société française (et occidentale...). Mais certainement pas une occasion perdue de faire de l'argent facilement en misant sur le degré zéro de "l'humour à la française".
[Critique écrite en 2019]