Le film se termine, et j’hésite encore à me décider : suis-je bouleversé, ou bien horrifié par les images que Scorsese vient de m’offrir ? L’histoire de Jake La Motta, boxeur déchu et abandonné par tous ceux qui l’aimaient, est une histoire d’un tragique certes désespérant. Et pourtant…

Cette histoire est celle d’un homme qui détruit tout ce qu’il touche, qui « n’a de respect pour rien ni personne », un homme qui s’empresse de prendre la voie vers sa propre chute. La scène introductive est, à cet égard, programmatique du chaos que sèmera La Motta autour de lui : tel un fauve en cage (ou un taureau dans une arène, comme le suggère Scorsese) le boxeur trépigne sur un ring désert, brumeux, attendant sa prochaine victime, le tout sur un fond musical donnant à la scène des airs de ballet.

La force du film, c’est ainsi de faire ressentir viscéralement à son spectateur ébahi ce que signifie le mot « violence ». Violence physique, avant tout : les nombreux affrontements qui jalonnent le film sont autant de coups portés au visage du pauvre spectateur qui ne s’y attendait certainement pas. Les combats de boxe sont filmés comme des combats à mort, chaque crochet déforme le visage de l’adversaire jusqu’au rictus, et fait jaillir de longs filets de sang mêlés de sueur. Raging Bull est un film où le corps souffre, comme les protagonistes peuvent souffrir, en atteste l’obésité finale de La Motta, dernier symptôme de sa douloureuse descente aux enfers, dont il est le seul responsable.

C’est pourquoi Scorsese choisit volontairement de taire les raisons de la violence constitutive du boxeur, les raisons qui ont transformé l’homme en animal. Le réalisateur laisse ainsi peu de place à l’empathie, pour livrer un film qui ne cherche pas à comprendre un personnage dans toute l’étendue de sa psychologie (comme beaucoup de biopics cherchent à le faire), mais qui montre simplement au spectateur comment un homme peut parvenir à s’autodétruire.
WinslowLeach
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le 28 nov. 2014

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