Récit d'un propriétaire est le premier film d'Ozu à son retour de la guerre. Comme Un merveilleux dimanche de Kurosawa, de la même année, il se passe directement après la guerre dans un Japon en ruines. Alors qu'un orphelin, semble-t-il, est trouvé par un homme du village, il va être remis à une dame qui n'en veut pas. Le scénario est couru d'avance : alors que personne ne voulait de l'enfant par égoïsme, et surtout pas elle (en plus il pisse au lit le marmot), elle va finir par s'attacher à lui. Heureusement, il n'était que perdu, et son père vient le chercher une semaine plus tard. Bon, dit comme ça, c'est pas génial, et en effet le scénario est très faible. D'ailleurs, il finit en film moralisateur, puisque la dame à la fin se rend compte qu'il ne faut pas être égoïste, surtout dans un pays en ruines rempli d'orphelins (qui traînent dans le même coin de Tokyo). Nul doute que ce message contenta la censure américaine.
Heureusement qu'Ozu a gardé un soupçon de subtilité pour rajouter une humanité émouvante dans ce film : la ténacité et la peur du gamin, ou encore la gentillesse de la dame qui se dévoile très progressivement, et au début toujours cachée derrière un voile froid. Le mélange des caractères, avec les grimaces de la dame, qui la font passer pour une enfant, ou la sagesse de l'enfant, peut-être déjà un peu un adulte. Et puis comme souvent chez Ozu, une déclaration d'amour aux femmes : alors que les hommes se cachent et refusent toute responsabilité, ce sont bien les femmes qui font avancer l'histoire, sans doute avec un "h" majuscule aussi.