Dans le volume 5 du "Found footage festival", Nick Prueher et Joe Pickett présentaient l'une de leurs dernières trouvailles, l'une des plus folles à ce jour : "Rent-a-friend". Une VHS sur laquelle, pendant 40mn, un type parle à la caméra comme s'il vous parlait, et proposait d'être votre ami et de prétendre discuter avec vous.
Après les quelques extraits montrés dans le FFF, ce truc paraissait tellement génial que je voulais le voir en entier. Prueher et Pickett ont dû se rendre compte que ça intéressait les gens, car ils avaient déjà édité le DVD de "Rent-a-friend", avec en bonus une interview de Ben Hollis, l'ami à louer.
J'ai pu me procurer cet OVNI et le regarder avec des amis, eux, bien réels.
Hollis, qui prétend s'appeler "Sam" dans la vidéo, apparaît en train d'écouter la radio, secouant la tête comme un benêt.
Il montre assez d'assurance face à la caméra, et pourtant il ne sait pas trop quoi dire au spectateur ; c'est ce qui apparaît dès la première question, "what is your name ?". Pendant un long moment awkward, on le voit hésiter, cherchant quelque chose à dire pour commenter notre réponse.
Ca se passe mieux par la suite, notre nouvel ami montrant qu'il a plutôt bien préparé l'enregistrement de sa VHS très expérimentale.
Il trouve des stratagèmes pour meubler en parlant de futilités, comme son chien en peluche ou le bruit de camion qu'il prétend provenir de la rue, ou des astuces pour ne pas avoir à nous répondre, comme lorsqu'il fait comme si la conversation était dérangé par un coup de fil juste après qu'ils nous ait demandé de parler de nos parents.
Notre ami à louer joue même avec nous à un jeu de société, où il utilise les pièces que l’on choisit à notre place. Si la première fois, il a choisi la pièce qu’on lui demandait, la seconde fois c’était loupé.
Tout de même souvent à cours de sujets de conversation, ou de peur qu'il y ait un vide, Hollis semble parler de la première chose qui lui vient à l'esprit, se rendant souvent ridicule. Il s'écrase la figure entre ses deux mains, nous montre comme son nez est élastique (il dit que des gens venaient chez lui quand il était enfant juste pour lui mordre le nez ; wtf ?) et parle de son "nosegrease".
On apprend aussi de lui qu'il a un frère qui ressemble à un clodo (c'est ce qu'on peut en déduire avec une photo), qu'il pue des pieds, qu'il aimait jouer à "trees" avec son frère, et qu'il était amoureux d'une certaine Nancy, il nous montre sa photo et le mot qu’elle lui a écrit dans son yearbook. Et il lui fait coucou, au cas où elle regarderait.
Si Sam ne s’appelle pas vraiment Sam mais Ben Hollis, qu’est-ce qui est vrai dans tout ça ? A en croire les crédits du DVD, "Rent-a-friend" a été "écrit" par Ben Hollis. Il aurait tout inventé ?
Quel dommage. En tout cas, le ridicule dont il se couvre est bien réel. Il agit à certains moments de la vidéo comme un vrai malade.
Notre hilarité devant l’écran provenait aussi parfois de ce qu’on disait à Sam et ce qu’il répondait en réaction. C’est tellement facile de lui balancer des moqueries.
Quand il fait semblant de regarder notre intérieur et nous en complimente, on peut le traiter d’hypocrite ; de menteur, quand il prétend être déjà venu là où l’on habite.
Sam donne aussi des fois l’impression d’être à la limite du flirt ; "I was really looking forward to seeing you", ouais c’est ça, vil flatteur.
Comme l’a justement fait remarquer l’un de mes acolytes, dans le concept, Rent-a-friend évoque beaucoup Videodrome.
Il y a une mise en abyme involontaire à un moment quand Sam nous passe sur un écran de TV une VHS de son chat, et qu’il touche l’écran, comme s’il pouvait traverser celui-ci pour caresser l’animal, de la même façon qu’il veut nous donner l’illusion qu’on peut abolir cette limite qu’est l’écran de TV qui nous sépare de lui.
Il aurait juste fallu qu'il sorte de l'écran à la fin, comme dans The ring.
Vers la fin, Sam se prend même en photo avec nous (il se met à côté de la caméra et pointe son appareil photo vers lui et nous).
A ce moment là, l'un de mes comparses a imaginé une scène glauque : voir la photo qu'il avait prise, avec nous dessus. Faudrait un film d'horreur comme ça.
Au bout des 40mn que je n’ai même pas vu passer, Sam propose qu’on se revoie.
Malheureusement, il n’y a pas eu de "Rent-a-friend" volume 2. Mais il a pensé à tout : il propose de lui envoyer une vidéo de nous, en donnant une adresse postale.
Je me demande si c’est une vraie adresse, et si des gens ont vraiment envoyé des vidéos…
Il y a un truc dont je n’ai pris conscience qu’au bout d’un moment : le fait que les mouvements de caméra attestent de la présence d’un caméraman. Ben Hollis n’était donc pas seul dans son entreprise débile ; paradoxalement, je trouve encore plus triste que plusieurs personnes aient été impliquées dans "Rent-a-friend", que si Hollis avait été seul à se filmer en ayant posé sa caméra sur un trépied.
Et puis ça retire une part d’intimité à ce moment de partage avec Sam/Ben. Quand je pense qu’à sa demande je lui ai confié mon souvenir le plus honteux, en pensant qu’on était seuls…
Un extrait :
http://youtu.be/joDonPTyMKA