RÉPARER LES VIVANTS (14) (Katell Quillévéré, FRA, 2016, 103min) :


Mélodrame sensible retraçant les trajectoires croisées de Simon, jeune surfeur, décédé à la suite d’un accident de voiture sur le chemin du retour, et de Claire, femme atteint d’une grave maladie du cœur condamnée à mourir sans greffe providentielle. La jeune talentueuse réalisatrice française Katell Quillévérée révélé par le singulier Un poison violent (2010) puis récompensée avec le bouleversant Suzanne (2013) revient avec l’adaptation du roman best-seller éponyme de Maylis de Kerangal publié en 2014 pour. Un exercice de style périlleux dont Pedro Almodovar de façon brillante avait empli son bouleversant Tout sur ma mère et dont la réalisatrice de manière plus littéraire réussit aussi intelligemment l’examen. D’emblée la mise en scène nous met les pieds sur les planches, nous fait surfer sur les vagues avant d’enfermer cinématographiquement son jeune homme au creux de la vague, annonciateur des plans suivants immersifs et funèbre avant l’heure fatale. Ses premières minutes introductives fourmillent de belles idées de cinéma mais malheureusement en soulignant trop les intentions et en faisant durer trop longuement les scènes, la force des images perd un peu de son ampleur. Ce défaut va se décliner tout au long du film ! Dommage…Car la caméra de Katell Quillévéré tantôt aérienne, tantôt bienveillante, se penche avec pudeur sur le destin de ses « héros » pour nous offrir des moments où l’émotion aurait dû faire vaciller jusqu’à la moelle. Une œuvre façon chorale développée en deux parties distinctes liées par tous les maillons humains formant une chaîne de la mort jusqu’à la vie. La première partie ausculte sans pathos et avec beaucoup de justesse la douleur des parents au moment du deuil et les questions très intimes qui en découlent sur la possibilité du don d’organes de leur fils pour sauver une vie en sachant qu’ils ne sauront jamais l’identité de la bénéficiaire. La réalisatrice de façon presque documentaire montre le délicat travail du corps médical (médecines, infirmières et coordinateurs) en infiltrant aussi des moments poétiques et oniriques (scène du chardonneret) et l’implication de chacun pour redonner du sens à la vie même quand celle-ci s’effondre. L’une des scènes les plus réussies se situent lors de l’acceptation des parents aux dons d’organes avec une requête de la mère en forme de supplique : « Pas ses yeux » implore-t-elle au coordinateur. Le deuxième acte de la partition se concentre sur les tourments de Marie la receveuse, les questions métaphysiques (n’est pas le cycle naturel de la vie ? Peut-on vivre avec le cœur d’un mort ?), les silences et les non-dits familiaux alors que la fin approche. Puis vient le temps du compte à rebours et la course contre la montre de l’ablation du cœur du jeune homme, du trajet qui ne manque pas de souffle romanesque et de la greffe à cœur ouvert où la caméra scalpel n’épargne plus le spectateur en montrant l’opération de façon organique et crue. La réalisatrice montre une véritable réparation corporelle pour ne louper aucune palpitation mais collatéralement efface trop rapidement les souvenirs du défunt, la famille tentant de se reconstruire et l’amoureuse de Simon qui le temps d’une apparition vient enfin se rappeler à nous avant que tous ils disparaissent du récit...La réalisatrice réussie la greffe de l’adaptation mais illustre dès fois trop son récit linéaire par une mécanique scénaristique attendue, où sans avoir lu le livre, le spectateur devance les séquences et n’est jamais surpris par ce canevas trop ficelé. Dans ces conditions-là la promesse lacrymale ne m’a pas submergé. N’en demeure pas moins une magnifique démonstration de solidarité entre les êtres formant une chaîne composée d’hommes et de femmes avec chacun un rôle à jouer, possédant le sens du devoir face à la vie. Rien que pour cela cette fiction irrigue d’un vent salvateur nos âmes cinéphiles mais avant tout humaines. Le casting très étudié en amont se trouve particulièrement pertinent, et chaque rôle trouve une écriture particulière à défendre. On mettra en avant la justesse de la prestation du couple de parents endeuillé joué avec émotions par Emmanuelle Seigner et Kool Shen, la tendresse touchante de Tahar Rahim (le coordinateur) et mention spéciale à l’immense Anne Dorval à l’intensité de jeu à fleur de maux absolument remarquable. L’apport de la musique inspirée et mélancolique d’Alexandre Desplat s’avère quant à elle malheureusement redondante et trop présente pour à son tour nous plonger dans l’écume mais on peut noter la pertinence du tempo jazzy similaire aux pulsations cardiaques qui retrouvent le rythme dans la magnifique dernière scène…Venez vibrer devant cette belle adaptation et découvrir l’importance de Réparer les vivants. Palpitant, imparfait, humaniste et délicat.

seb2046
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le 2 nov. 2016

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