Une bonne publicité mais un mauvais film

Autant le dire de suite, je n’ai pas lu l’ouvrage de Maylis de Kerangal. Il ne sera donc ici question que du film, et pas de l’adaptation du roman.


Pour moi, c’est une excellente publicité pour la greffe et le don d’organe post-mortem, un film qui touchera les adolescents qui semblent être le public cible. Mais c’est un film qui pourra en agacer d’autres, dont je suis, il faut bien dire, ce qui n’enlève rien à certaines qualités qu’on pourra lui prêter.


Car pour moi, le film passe à côté de son sujet, ou en tout cas, il ne le traite que d’une façon superficielle et trop pathos. On nous montre longuement les jeunes en train de s’amuser à faire du vélo ou du surf, on fait en sorte que l’ado qui regarde le film puisse bien s’identifier aux jeunes. C’est un peu moins poussé pour les parents, mais on insiste bien sur leur – légitime – détresse, on abuse du tire-larmes avant d’en arriver aux véritables questions liées au don d’organes en vue d’une greffe. Mais la réalisatrice n’insiste que trop peu sur le doute des parents. Certes, il faut une réponse rapide, on ne va pas pouvoir garder les organes en l’état bien longtemps, mais on aurait pu avoir une résistance plus grande d’un des parents, il y avait là une tension potentielle, de quoi construire un film. Mais non, le film avance comme une barque sur un long fleuve tranquille, le dénouement arrive sans surprise, mais beaucoup trop vite, sans réel accident, ce qui rend le film plat. Trop linéaire.


Car Katel Quillévéré a voulu faire deux films en un : une fois que les parents ont accepté, on va suivre, là aussi de façon rapide et superficielle, une femme qui pourrait avoir besoin d’une greffe, mais qui ment à son entourage et se pose quelques questions. Le problème est que tout est survolé, car on a voulu traiter de la question dans sa globalité, de la thématique de la difficulté du don de la part de parents qui viennent d’apprendre la mort brutale de leur fils dans un accident de la route, à celle de la personne qui pourrait recevoir le don d’organe, avec les inquiétudes liées à l’indispensable opération. D’après moi, il eut été préférable de ne traiter que de l’un des deux aspects de la question. A vouloir traiter de tout, on ne parle de rien.


Le film balance entre fiction et volonté documentaire, c’est cela sans doute le souci majeur du film : au-lieu d’assumer le côté fictionnel, non seulement on veut traiter « l’opération de la greffe » de l’accident et du don jusqu’à la transplantation, mais on ajoute de nombreux détails pas forcément utiles, notamment le longs plans fixes des corps opérés. Je pense qu’on aurait pu aisément s’en passer, c’est un peu écœurant.


Finalement, ce qui me parait le mieux décrit, alors que ce n’est pas le cœur du sujet, si j’ose dire, c’est le milieu médical, les infirmières et médecins qui s’occupent de tout ça. L’infirmière qui commet une petite erreur est touchante, elle semble plus fragile que les médecins et notamment les chirurgiens qui, nécessairement, doivent se blinder pour supporter d’avoir à travailler sur des hommes, avec des enjeux énormes. Un acteur sort du lot, je ne le connaissais pas, Tahar Rahim, qui bénéficie d’un superbe rôle un peu casse-gueule, mais qui s’en sort avec une justesse remarquable.


Bref, le film touche, mais à côté de la cible ! D’autant plus qu’il use d’effets qui n’apportent pas grand-chose au récit. J’ai bien aimé quelques scènes de surf, l’immersion dans l’eau, il y a là un joli travail, mais la dimension esthétisante est assez pénible, certaines images de synthèse sont trop belles pour être vraies, cela nuit au propos qui aurait mérité un traitement fait de davantage de simplicité.


Le film comporte aussi quelques idées fumeuses, qui de mon point de vue desservent le film, un exemple : avant l’accident de voiture, deux des jeunes s’endorment ensemble, l’un sur la tête de l’autre ; à la fin du film, deux des enfants de la future greffée attendent à l’hôpital dans la même posture le résultat de l’opération. Voilà le genre d’idée qui peut paraître mignonne, mais qui a le don de m’agacer.


Le film se finit sur l’éveil de celle qui a bénéficié de la greffe elle nous regarde, puis sourit, écran noir, c’est fini. Pour moi, le film est allé trop loin dans l’aspect promotionnel, même si pour ma part je suis tout à fait favorable à ce genre d’opérations !

socrate
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le 26 nov. 2016

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socrate

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