Comme je lisais des lignes impérissables,


je glissais dans les souterrains du vertige


où les lettres et les mots tout autant implacables


me défiaient de comprendre leur folle voltige.


Mon esprit jeté par ces tourbillons furieux


sur les rivages désolés des océans


d'obscurité et de secrets mystérieux


se perdait dans le voyage au cœur du temps.


Un lot une dent seule


Un lot 2 dents


Un lot 3 dents


Un lot 4 dents


Un lot 2 dents*


Voix 1


Tout avoir vu


L’objet de toutes les recherches


La semence première


Retrouver dans la violence la poésie


Avoir retenu les mots


Et


Après des errances


Arriver


Dans la poussière


Telle qu’avant toute naissance


Poussière, mes frères


Souffrir


Ne plus penser aux ténèbres


Avoir mal


Chaque jour continuer


Partir


Un voyage au fond des ténèbres


Sur une civière


Puer la fièvre


Puer la crasse


Puer l’humidité


Abandonner son corps


Retrouver sa mère


Mourir dans la poussière


Du cimetière des dents.


Resté stérile


Nul Sparte n’y naquit.


Et Cadmée laboure encore avec ses taureaux féroces


un champ pour y enterrer les dents du monstre,


gardien de la toison d’or.


Voix 2


Ma jambe aujourd’hui encore


Un couteau dans les reins


Je ne peux plus ne rien faire,


il faut une civière et la couvrir,


c’est la saison des pluies.


Combien d’hommes pour porter?


Dix? Douze?


et cette dent…


Nous remontons le temps sous des déluges impassibles.


Douleurs toujours,


depuis combien de temps ce patineur délicieux


dans ce petit val où je veux dormir.


Nous continuons en pataugeant dans une boue puante,


passant devant des êtres blanchis par le sel du temps…


sur une jambe.


Des colliers de dents de lions aux cous décharnés.


J’entends les cris des femmes vieilles depuis le début de l’éternité


qui accompagnent de leurs mélopées


les trous noirs de ma mémoire.


Et toujours je suis dans la crasse


Et toujours je suis dans l’humidité


Et toujours je suis dans la douleur


Et toujours mon désespoir -


j’ai déjà vécu ce voyage dans une saison aussi pluvieuse -


Jadis.



  • dernière lettre d'Arthur Rimbaud le 9 novembre 1891


https://blog.holophernes.com/©Mermed

mermed
10
Écrit par

Créée

le 25 janv. 2022

Critique lue 106 fois

mermed

Écrit par

Critique lue 106 fois

Du même critique

About Kim Sohee
mermed
8

Un uppercut

D'abord un drame, puis un thriller d'investigation à part entière, rempli de lanceurs d'alerte, de témoins inutiles et, fidèle à ce genre, une détective fatiguée (bien sûr, en conflit avec sa...

le 5 avr. 2023

14 j'aime

Vers un avenir radieux
mermed
8

Un de ces films pour aimer le cinéma...

C'est un pur et authentique Moretti qui revient avec un film nostalgique qui est une déclaration d'amour au cinéma, et plus encore à la vie qui va... Un film dans un film rempli de références...

le 28 juin 2023

9 j'aime

3

La Ruse
mermed
8

Les débuts de 007

Je ne vais pas dévoiler toute l'histoire qui est racontée avec talent. Il s'agit d'un film très socialement british, l'Angleterre de l'heure du thé – enfin, ici plutôt du whisky... Je vous dirai...

le 27 avr. 2022

9 j'aime