le 10 août 2021
Battosaï l'assassin.
Durant L'achèvement, Kenshin va revenir sur son passé tumultueux, et la raison pour laquelle il a cette cicatrice en croix sur la joue. Même si c'est totalement stupide de sortir la préquelle après...
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- Si je raccrochais mon sabre maintenant… toutes les vies que j'ai prises l'auraient été en vain. Jusqu'à l'avènement de la nouvelle ère… je brandirai mon sabre. Mais une fois notre objectif atteint…
- Tu abandonneras le sabre ?
- Je ne sais pas. Mais je ne tuerai plus jamais. Plus jamais.
- Je respecte ton choix.
Avec Kenshin : Le Commencement, Keishi Ōtomo remonte le temps pour revisiter les origines de Himura Kenshin, refermant la boucle du vagabond à la lame inversée. Cinquième et dernier volet de la saga-live action adaptée du manga de Nobuhiro Watsuki, le film se présente comme un prequel tragique nous plongeant là où tout a commencé, là où Kenshin n’était encore que Battōsai, l'assassin légendaire, afin de comprendre comment il en est arrivé à cette fameuse cicatrice en forme de croix, et à finit par suivre le chemin de vagabond. Raconter les origines après la conclusion d’une saga ayant déjà su adapter le manga avec autant de brio pouvait sembler superflu. D’autant que le quatrième volet, Kenshin : L’Achèvement, en dévoilait déjà plusieurs longs extraits sous forme de flashbacks, comme une préquelle dissimulée avant l’heure. Un choix pour le moins déroutant. Et pourtant, ce retour en arrière s’impose comme une évidence. Car même en connaissant l’issue tragique, même en ayant déjà entrevu la genèse de ses cicatrices, on ne peut qu’applaudir ce retour aux sources. Surtout que le récit va cette fois-ci revenir sur les fabuleux OAV Kenshin, regroupant dans l'ordre les épisodes : "Celui qui apporte la mort", "Un chat égaré", "Une nuit sur la montagne", et enfin "Cicatrices", tous regroupés pour ne faire qu'un seul film animé d'une maturité et d'une tragédie rare (n'ayant rien à voir avec le ton de la série animée et du manga), pour former un chef d'œuvre, qui à l'époque m'a fait découvrir la saga Kenshin. Autant dire que j’attendais énormément de cette adaptation. Et même si le résultat n’atteint pas la perfection du film animé, il n’en reste pas moins un très bon film.
Keishi Ōtomo fait ici le pari d’un ton plus mûr, plus solennel, rompant avec les excès parfois grandiloquents ou comiques des précédents volets. Fini les acrobaties outrancières et les touches d’humour puisque le réalisateur recentre son récit, en parfaite osmose avec les OAV, tout en préservant la cohérence de l’ensemble de la saga. C’est le choix idéal pour nous plonger avec efficacité dans les terribles ténèbres du passé de Kenshin. Terminé le héros justicier au grand cœur et place à Battosai le tueur, assassin au service d’un idéal politique, tranchant sans remords les vies de ses adversaires jusqu’à devenir une légende vivante, crainte de tous. Mais une nuit, en exécutant une nouvelle cible, il commet l’irréparable, puisqu'en tuant un homme, il détruit sans le savoir la vie d’une femme, Tomoe, la fiancée de sa victime. Leur rencontre touché par le poids du sang est d’abord froide et teintée de haine, pour mieux se muer peu à peu en un amour impossible. Bâtie sur la culpabilité et la rédemption, cette relation marque un tournant dans la vie du tueur, annonçant les prémisses de la fin du tueur Battosai. Une tragédie intime qui s'inscrit dans un contexte plus vaste à travers la guerre contre le Shogunat, située à la fin du Bakumatsu, une période charnière où s’éteint le Japon féodal pour laisser place à l’ère moderne. Un cadre idéal pour explorer la chute d’un homme et la fin d’un monde.
Techniquement, ce film est superbe. La photographie de Takurō Ishizaka sublime la mise en scène soignée de Keishi Ōtomo, déployant des compositions d’une beauté glaciale où la neige imbibée d'un rouge sang cadre parfaitement avec la gravité du récit. Les décors, les effets de lumière, l'ambiance proposée, tout respire la gravité, la mort et la mélancolie. La musique de Naoki Satō offre des nappes orchestrales qui accompagnent parfaitement la chute de Kenshin. Même si souvent discrète, lorsqu'elle pointe le bout de sa note, c'est de bonne tenue. Toutefois, la composition musicale reste bien en dessous de la fabuleuse composition musicale de l'OAV Kenshin, qui est juste renversante et poignante. Quant aux duels, s’ils se montrent moins démonstratifs que dans les précédents volets (bien que les scènes de combat restent un des points forts de ce film), ils n’en sont que plus marquants. Ōtomo délaisse la surenchère spectaculaire pour une violence sèche et frontale, chorégraphiée telle une danse funèbre où le sang gicle, et les corps tombent, sachant que chaque mort pèse son poids de sens. Battosai n’a jamais paru aussi redoutable puisqu'il ne se retient plus, tel un fauve enragé par l’idéologie qu'il sert. Il tranche sans hésiter, loin du pacifisme futur qu’on lui connaîtra. Cette retenue est une force narrative pour Ōtomo qui choisit le dépouillement pour mieux laisser surgir l’intime. La violence n'est ici pas un spectacle spectaculaire, mais devient une conséquence, mieux, une fatalité. Opter pour un tel choix pour conclure une saga qui a fait fort niveau spectacle, c'est osé.
Mais un tel parti pris a un prix. Le film s’étire dans sa propre contemplation, s’attardant sur des scènes calmes au risque d’en atténuer l’urgence dramatique. Cette lenteur sert l’atmosphère mélancolique, mais finit par peser sur le rythme d’un récit qui aurait gagné à ménager davantage de tension. On regrette également que certains pans essentiels du passé de Kenshin demeurent dans l’ombre, notamment son apprentissage auprès de Hiko Seijūrō, totalement éludé, alors qu’il aurait pu incarner un contrepoint intéressant entre l’élève pur et le tueur idéologue qu’il devient. De même, le rôle politique du clan de Katsura Kogoro reste trop en retrait, cantonné à une toile de fond historique là où il aurait pu nourrir davantage la tragédie intérieure du protagoniste. Ōtomo choisit délibérément l’intimité et la romance au détriment du souffle épique, privilégiant la confession sentimentale à la fresque historique, mais il le fait avec une sincérité et une maîtrise telles qu’on lui pardonne cette orientation. Car malgré ses lenteurs, ce film demeure une œuvre habitée, grave et subtile. Un film de sabre sans triomphe, où chaque coup porté résonne comme une absolution impossible. C’est toute la beauté paradoxale du récit, puisqu'en racontant la chute du tueur, Ōtomo éclaire la naissance du pacifiste ; en montrant la mort, il offre la renaissance. Une renaissance symbolisée par la cicatrice en croix, marque éternelle d’un amour perdu et d’une faute indélébile. Le sceau de l’homme qui a choisi de ne plus tuer à cause de ce qu'il a commis.
Le casting participe bien au tout, à commencer par Takeru Satō qui endosse à nouveau le rôle de Kenshin Himura avec crédibilité. Ses chuchotements m'agacent toujours autant, mais pour le reste, c'est vraiment le personnage tiré du manga qui nous est proposé, sachant qu'ici l’on ressent bien Battōsai à la place de Kenshin. Face à lui, on retrouve Kasumi Arimura, pour la fameuse Tomoe Yukishiro, que la comédienne incarne avec une pureté désarmante. Leur alchimie ne passe pas par les mots mais par la tension de l’attente à travers les regards et les silences, et ça cadre parfaitement avec Kenshin. On retrouve également l'excellent Yōsuke Eguchi, dans le rôle badass de Saitō Hajime, personnage ayant vraiment existé en tant que capitaine de la 3ᵉ unité du Shinsen gumi, le plus puissant des groupes de samouraïs qui, sous les ordres du shogun Tokugawa, devait maintenir l'ordre à Kyoto durant le Bakumatsu, à la fin de l'époque d'Edo. C'est dans ce film que commence la dualité entre Kenshin et Saitō. Parmi les nouveaux, on retrouve Okita Sōji incarné solidement par Nijirō Murakami, personnage apparu dans le film des OAV Kenshin, et ayant lui aussi réellement existé en tant que capitaine de la première division du Shinsen gumi, et considéré comme un enfant prodige. Enfin, on retrouve également Katsura Kogoro, apparut lui aussi dans le film des OAV, interprété par Issei Takahashi. La relation qu'il entretient avec Kenshin est bien mise en scène, mais son rôle de meneur de la révolte est un peu trop en second plan. Sachant que lui aussi a vraiment existé en tant qu'homme politique pendant la fin du shogunat Tokugawa et l'ère Meiji, où il participa à l'avènement de la restauration Meiji, et fut l'un des trois grands nobles de la restauration.
Avec Kenshin : Le Commencement, le cinéaste Keishi Ōtomo conclut sa fresque avec un film plus intérieur que spectaculaire, favorisant l’émotion à l’action. Une descente dans les ombres du passé réussite pour un résultat global faisant honneur aux OAV de Kenshin, même si il ne parvient pas à l'égaler. Une nouvelle adaptation efficace, qui me laisse dire que pour chaque adaptation d'un manga en film live, on devrait faire appel à Keishi Ōtomo, qui a tout compris.
Dernier acte d’une saga assez exceptionnelle.
- Tu auras bientôt venger la mort de ton fiancé… Tu seras libre d'ici quelques instants.
- Non, je ne vous laisserais pas le tuer !
- Ne me dis pas que tu es tombé amoureuse de lui, pauvre sotte ! L'amour et la haine sont les deux côtés de la même médaille. Et cette médaille, c'est le karma. …Tu t'inquiètes pour lui ? N'oublie pas comment ça a commencé. Tu devais beaucoup compter pour Kiyosato. Sinon, pourquoi aurait-il rejoint les veilleurs à Kyoto ? Il voulait te rendre heureuse au péril de sa vie. Pour rendre une femme heureuse, un homme doit défendre sa famille, son village et le shogunat. Sans paix, sans le shogun, il n'y a de bonheur pour personne. Et donc… peu importe a taille… toute résistance au shogun doit être détruite à la racine. Grâce à cette prudence, les shoguns ont maintenu la paix pendant 300 ans. Nous nous devons de soutenir et préserver cet héritage ! Nous devons protéger ce bonheur… au prix de notre vie.
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Créée
le 13 nov. 2025
Critique lue 89 fois
le 10 août 2021
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