La nuit des frasques

Si la bêtise grasse et lubrique de Scary Movie est l’une de ses principales marques de fabrique, le réduire à cette seule composante serait une erreur : car outre le succès rencontré et la franchise initiée, le film des frangins Wayans peut se targuer d’avoir été à la fois marqueur et produit de son époque, son étiquette parodique et son influence sans borne dans le genre le plaçant, envers et contre tout, au-dessus de la mêlée.

De prime abord méchamment bête, Scary Movie revêt en réalité une certaine forme d’intelligence, son jonglage équilibré d’un bout à l’autre entre toutes ses références, clins d’œil et moqueries témoignant d’une capacité à tisser un tout... presque cohérent. Du moins s’arroge-t-il une atmosphère aussi folle que maîtrisée, au fil directeur du tueur en série masqué s’additionnant une myriade de ramifications et détails étoffant son récit déjanté, certes au risque de partir en tout sens mais sans jamais dépasser la ligne rouge.

De l’absurdité de ses gags au ton mordant de situations jubilatoires, le long-métrage fait l’étalage de sa générosité et de sa malice (dans le bon sens du terme) avec un réel panache, faisant de sa brochette de lycéens stéréotypés et ridicules des victimes sympathiques. Nous pourrions également relever, sous le vernis « culture pop », une parodie consommée des affres de l’univers scolaire, des questions ayant trait à la sexualité et la virilité, l’incompréhension du monde adulte et enfin le retour de flamme d’un système... je m’emballe.

D’une certaine manière, Scary Movie évoque un peu le procédé employé par South Park, à ceci près que ce dernier est autrement plus subtil et satirique dans sa démarche. Ils partagent toutefois un immodéré goût pour le scabreux et l’outrance, sorte de leurres masquant en partie leurs véritables prétentions : lorsque l’imbécilité est consciente, la perception du spectateur peut changer du tout au tout.

Le film de Keenen Ivory Wayans est donc de cette trempe, souvent au bord de la rupture mais à même de parvenir à ses fins... ici, il s’agit tout bonnement d’un twist brillant et dans l’air de son temps, entérinant pour de bon le rôle de témoin qu’incarne Scary Movie.