La vie est un long, très long (trop long) fleuve tranquille

Nouveau venu dans le paysage cinématographique chinois (et international puisque Séjour dans les monts Fuchun a été projeté au dernier festival de Cannes), Gu Xiaogang risque fort de rejoindre le rang de cette nouvelle génération de réalisateurs (Jia Zhangke, Diao Yi’nan, Bi Gan, Dong Yue…) qui, à leur façon et en profondeur, modernisent leur cinéma. Son film est une ample chronique sociale et familiale (on pense beaucoup au Yi Yi d’Edward Yang) observant un pays en pleine mutation urbaine et économique. Au fil des saisons, d’un anniversaire à une mort, le long de la rivière Fujun (personnage à part entière du film) où l’on vient nager, pêcher et se balader tout du long, quatre frères font face à la santé déclinante de leur mère et aux aléas de la vie qui passe.


S’il faut bien reconnaître la somptuosité de la mise en scène (le long travelling sur le nageur, des plans comme des tableaux, la beauté languide des paysages…), il faut admettre également l’immense ennui que dégage un scénario anémique. Les histoires n’avancent pas, ressassent les mêmes sujets et les mêmes enjeux (l’argent, la prise en charge de la mère, l’argent encore, la prise en charge de la mère toujours, l’argent encore et toujours…) sans offrir aucune autre perspective ni, surtout, aucune émotion. De fait, tous les à-côtés narratifs qui pouvaient éventuellement émerger et intéresser (rancœurs, conflits générationnels, âpreté du quotidien…) restent à l’état de simples toiles de fond, de pistes à peine esquissées.


On l’a dit, la mise en scène est magnifique, et Xiaogang, pour son premier film, fait montre d’une maîtrise et d’une ambition (Séjour dans les monts Fuchun est le premier volet d’une future trilogie) assez bluffantes. Mais elle tend elle aussi à se répéter dans ces plans qui cherchent à confronter le passé et le moderne, à montrer une ville qui se métamorphose au détriment de son histoire et de ses habitants. On comprend évidemment l’intention, surtout au bout de trois-quatre travellings filmant invariablement, dans un même mouvement, cette transition des espaces exprimée par ces arbres et ces anciennes architectures laissant place au béton et aux gratte-ciels. Sauf que sur deux heures et demie, ça devient très vite contre-productif et nous laisse finalement indifférents aux petits malheurs de cette famille, partagé(e)s entre dépit et bâillements (voire ronflements).


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le 31 janv. 2020

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