Ça faisait un sacré moment que Scott ne m’avait pas autant bousculé, enfin avouons que lorsque le pépère s’attaque à la SF la déception n’est que rarissime (oui Prometheus …), enfin quand t’as Alien et Blade Runner épinglés sur ton pedigree ça n’est pas rien. Dans ce nouveau projet de long métrage Sir Ridley prend soin d’adapter le bouquin de Andy Weir The Martian, narrant les mésaventures de l’astronaute Mark Watney laissé pour mort sur la planète rouge se retrouvant dans une situation où il doit survivre face à un manque de ressources alarmant et une communication rompue avec la Terre.


Même si ce genre reste le domaine de prédilection de Scott je me demandais vraiment comment il allait se dépêtrer de cette sorte de fatalité annoncée à traiter une histoire sur Mars, on se souvient du souffreteux film de De Palma ou du faux nanar de Carpenter, sans parler du Red Planet de Anthony Hoffman, un petit pari en somme. Le point positif c’est que le film s’appuie sur un roman moderne et remarqué, on sent parfaitement cette application au niveau du scénario, de plus nous ne sommes pas dans de la SF semi fantaisiste où le risque est de se perdre dans de multiples facilités exposées au grotesque, l’ambition est bel et bien de se rapprocher d’une réalité d’anticipation. Ce qui est frappant, et je me suis fait la remarque plusieurs fois durant la séance, c’est que ce récit ressemblait presque à un biopic qui aurait très bien pu être réalisé dans plusieurs décennies, c’est assez troublant, notamment dans la personnalité de Mark Watney incarné par un très bon Matt Damon, il reste un héros authentique et attachant loin des clichés qu’il aurait été aisé de lui imputer (enfin c'est discutable), le futur reste très terre à terre et les technologies cohérentes.


Ce que j’ai principalement aimé c’est ce ton léger qui s’entremêle admirablement au climat de désespérance en enlevant toute forme de froideur possiblement soporifique, ça reste étrangement cool, notamment grâce à la bande son seventies qui apporte de savoureux moments décalés (c’est d’ailleurs ce qui avait sauvé Les Gardiens de la Galaxie) et des petites pointes d’humour plantées ici et là. L’entreprise n’est pas forcément de nous en mettre plein la vue et de magnifier la splendeur de la planète Mars, même si certains plans sont très beaux, le film ne bascule pas dans la grandiloquence visuelle et ça c’est un point plutôt positif. Il serait trivial de faire la comparaison avec Gravity de Cuarón même si une correspondance saute aux yeux, celle de la solitude dans un environnement hostile couplée à l’instinct de survie, l’infini de l’espace laisse place aux terres vierges poussiéreuses de Mars, faire face au manque d’oxygène, de ressources alimentaires, de conditionnement. Ce qui reste un peu regrettable c’est que le type ne doute jamais, et même si c’est l’un des sujets du film et que c’est inhérent au personnage de Watney, il manque ce petit réflexe naturel et primal de la peur de la mort, de plus je trouve que certaines situations auraient sans doute mérité de marquer davantage de pauses.


Le film compile beaucoup d’idées scientifiques et le scénario s’en sert à bon escient, notamment les moyens de communication entre cet astronaute perdu et la NASA ainsi que les divers moyens de le secourir, toutes les parties sur Terre sont par contre un poil trop bavardes, ça n’est pas inintéressant et sur-didactique mais j’ai eu l’impression que le projet voulait sans cesse se justifier pour être au plus prêt du rationnel et ne rien laisser filer pour parer d’hypothétiques incohérences. La mise en scène de Scott dispose de qualités comme cette gestion de l’espace sur Mars et sa direction d’acteurs très concrète ne noyant pas les dialogues sous un flot de violons horripilant (coucou Nolan), mais aussi de défauts de par justement des séquences maladroites qui restent des modèles de commodité du genre, je pense en priorité à celle où l’équipage décide d’accepter la mission sans forcément peser le pour et le contre, ça sonne faux, tout comme le final qui plonge un tantinet dans la futilité du happy end forcé. L’opération rescue dans cette dernière partie n’offre pas vraiment de surprise mais nous donnes un pur moment de tension et d’action, sorte de petit climax haletant qui rappelle beaucoup une scène de Mission to Mars d’ailleurs.


The Martian reste un bon film, sans doute le meilleur Scott depuis belle lurette, certes pas le retour en grâce tant espéré mais au moins très correct et plaisant à suivre durant ses 2h20, il est difficile de s’ennuyer mais il est aussi regrettable que ce long métrage ne s’inscrive pas comme une pièce maitresse de SF pouvant ainsi marquer le coup et devenir LE film traitant de la planète rouge (enfin après Totall Recall (merci Jurassic)). Car malgré ce degré de malice assumé qui donne un ton rafraichissant à l'œuvre (et qui est le bienvenu) il manque ce petit souffle de mystère stellaire qui nous fait voyager dans des recoins inexplorés, cette sensation de frayeur face à l'immensité, la contemplation se devait de primer sur la causerie scientifique, il n'en n'avait peut être pas l'ambition ... et c'est justement ça le problème, enfin c'est un choix.


Plutôt divertissant mais pas incontournable.

JimBo_Lebowski
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le 22 oct. 2015

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JimBo Lebowski

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