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Il me tardait de découvrir ce manquement dans la filmographie de Verhoeven tant l'appétence du néerlandais à décrire de son regard quasiment misanthrope les errements de la société occidentale ne pouvait que se marier de la plus crasseuse des manières à cette Babylone qu’est Las Vegas. Et ce n’est pas la réception catastrophique du film à sa sortie qui pourrait refréner mes ardeurs, bien au contraire, si une œuvre du monsieur dérange la pudibonderie américaine, elle a de fortes chances d’être tout à fait intéressante.
On ne pourra pas reprocher au cinéaste d’être trop peu subtil (après tout, certains bougres voient Starship Troopers comme une œuvre pro-militaire) alors que cette extravagance est dans son ADN. Et quoi de mieux qu’un style hyperbolique, over the top, pour parler du sujet qui l’intéresse là. Comment ne pas voir que la dilution des enjeux et de la profondeur des personnages dans des figures archétypales servent cette peinture décadente d’une industrie de la honte qui en est dépourvue, comme un miroir de la déliquescence intellectuelle, culturelle et morale où le souvenir de promotions-fellations fait office de cocon réconfortant de l’esprit familial d’un business, en opposition à la prédation d’un système qui met les individus dans une violente concurrence qui ne peut être battue que par l’abandon de toute forme de valeur.
Alors notre anti-héros, Nomi, s’exprime hors de la scène comme elle danse dessus: avec un rage animale, une chorégraphie saccadée et violente qui cherche à expulser une médiocrité affirmée dont les débouchés sentent la gerbe et le smegma de la veille. Et c’est bien là une des forces de Showgirls, de ne créer que le dégoût malgré l’affichage permanent de la plastique objectivement parfaite des filles qui le peuple. La vulgarité est de tous les instants, dès ce premier spectacle qui condense l’Amérique du gras : des explosions, du strass et de la fesse.
Une absence d’érotisation par Verhoeven, un refus de la passion et de l’excitation. Tout n’est que marchandise calibrée pour un monde factice : faux seins, faux nez, forums intérieurs qui miment mollement l’extérieur, palmiers en néon devant de véritables arbres… L’artificialité dépasse le matériel pour s’insinuer dans toutes les relations et actions, alors on baise sans baiser, on dépense sans acheter, on aime sans aimer. Il n’y a que l’argent qui vaille, et tout le monde se fait pute pour espérer atteindre un nauséabond firmament, ne serait-ce que pour un instant.
Alors vive le cul, vive le pez, et vivent les Etats-Unis d’Amérique. Et si tu n’aimes pas notre modèle, on va te le carrer profond façon viol collectif, c'est dans nos normes.