Avec Showing Up, Kelly Reichardt ne fait rien de la prétention documentaire qu'elle semble vouloir donner à son film. En abandonnant son spectateur à une suite de réflexions, de silences, de bribes de dialogues déconnectés de leur contexte, elle ne parvient pas à déployer une intrigue, à creuser un sujet, et malgré son sens très "Jarmuschien" (mais sans le génie et la poésie) d'une action resserrée sur elle-même dans un microcosme géographique comme imperméable au reste, elle ne parvient jamais à s'extraire d'une pure et simple exposition distanciée d'une petite collectivité pseudo new age d'étudiants en art privilégiés, coupés des préoccupations du monde moderne, et plus occupés à créer dans leur coin des croûtes ineptes qu'à ouvrir vraiment les yeux sur leur monde.

Certes cette déconnexion, si elle n'est aucunement passionnante, est du moins apaisante. La réduction à une échelle minimale de la mise en scène, des péripéties et des interactions entre les personnages se regarde avec, sinon intérêt, du moins curiosité.

Mais le seul effleurement des sujets évoqués frustre : la confection artistique, le geste de création, l'état de quête d'inspiration, est un formidable objet filmique qui semble d'ailleurs fasciner la réalisatrice tant elle donne vie par sa caméra aux œuvres qu'elle filme. Mais ceci n'est ici abordé qu'à la marge et qu'en surface (si ce n'est peut-être, et c'est un comble, pendant le générique, probablement le plus beau plan du film). La maladie mentale comme source d'érosion d'une famille aurait également pu être un autre sujet, relégué ici à un détail parasitant une intrigue inexistante. De même pour la jalousie et la rivalité qui pourraient briser une amitié entre deux artistes ou du quotidien d'une école d'art américaine.

Tout ceci reste pourtant au stade assumé de toile, mais sur laquelle rien n'est finalement projeté. La bizarrerie et le décalage du ton ne sont jamais suffisamment poussés pour prendre emporter l'adhésion, le personnage principal pas suffisamment sympathique pour nous convaincre à la suivre, et la mise en scène est si minimaliste qu'elle vire finalement à l'ennui, alourdie par une poésie d'une facilité grossière, entre plans d'arbres et métaphore bien appuyée du pigeon à l'aile cassé qui parvient, une fois libéré de ses bandages, à s'envoler.

Tout ceci ne fait pas de mal mais manque, avouons-le, cruellement d'intérêt.

Créée

le 15 mai 2023

Critique lue 44 fois

Charles Dubois

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