Shrek 4 porte le sous-titre « Il était une fin », référence maligne aux contes et à leur introductif « Il était une fois », ici appliqué à ce qui devait être le dernier film de la série. Il l’est encore.


Le premier Shrek introduisait l’univers sarcastique de Shrek et de sa parodie des contes de fées, une veine bien exploitée dans le second, mais sans l’effet de surprise, tandis que le troisième sombrait un peu tristement, sans enjeux, sans humour, avec une greffe autour de légende arthurienne qui n’a d’ailleurs pas été conservée ici. Le générique de fin de ce Shrek rend d’ailleurs hommage aux meilleures scènes de ces trois premiers films.


La licence semblait donner l’impression de ne plus rien avoir à dire, d’avancer en pilotage automatique. Le parti pris de ce nouveau volet est bien vu car il veut interroger la nature de l’existence de Shrek, sur ce qu’il apporte à son monde.


Car le grand ogre vert tant redouté dans le premier est devenu une célébrité connue et reconnue, pas vraiment prise au sérieux, dans cet univers de conte de fées qu’il a tant de fois sauvé. Son mariage avec la princesse Fiona puis la naissance de leurs enfants l’a comblé de bonheur, pendant un temps, mais cette vie rangée le ronge, et avec elle la monotonie des jours qui se suivent. Le perfide nain Tracassin en profite pour lui faire signer un contrat, qui va évidemment se retourner contre lui, en faisant en sorte qu’il n’ait pas sauvé Fiona. Mais le monde qu’il découvre est pire encore, car Tracassin a pris le pouvoir, le royaume est sous la botte de lui et de ses vilaines sorcières, tandis que le reste de l’équipe habituelle de Shrek ne le reconnaît pas.


Le grand géant vert avait déjà été confronté à sa crainte que son monde change malgré lui, mais cette fois la bascule est brutale. En découvrant ce nouveau cadre il est donc confronté à son égoïsme et à ses choix, qui vont de pair avec cette quête plus générale de sauver le monde et de le restaurer. L’achèvement de tout ceci restera familial, Shrek acceptera sa place et surtout sa famille et ses amis, dans un grand élan de conformisme attendu, mais avec quelques passages plus amers sur le comportement de Shrek dans cette nouvelle situation. Notamment quand la « nouvelle » Fiona lui rappelle son absence quand lui se prétend naïvement être l’élu de son coeur.


Dans ce monde revisité, cette Fiona reprend d’ailleurs du caractère, une personnalité qu’elle avait dans le premier, alors qu’elle était une princesse captive mais pas démunie pour autant. Les opus suivants en firent une femme aimante et une mère attentionnée, d’un classicisme un peu facile pour quelqu’un qui avait accepté sa malédiction pour rester une ogresse par amour. Ici, elle a pris sa libération toute seule, mais pas sans une grande tristesse, un profond ressentiment sur son sort passé, que son nouveau statut en tant que chef de la résistance ne suffit pas à adoucir.


Cette Résistance est aussi intéressante car non seulement elle démontre que l’absence de Shrek entraîne aussi des réactions face à ce vide, mais aussi parce que cette coalition n’est composée que d’ogres. Là où Shrek était auparavant le seul Ogre, Fiona l’étant par magie, maintenant que son existence est compromise cette réunion de grands verts lui rappelle aussi que son individualité n’est pas si importante, le confrontant à son égoïsme. Il y a d’autres problèmes plus globaux que son sort, qui ne concerne pas le seul ogre connu, ce qu’il devra accepter.


La réinvention du monde de Shrek passe donc par le statut de sa compagne, mais aussi par celui de ses compagnons. En dehors de l’Âne et du Chat potté, les autres sont relégués à des éléments de décor, à quelques apparitions amusantes pour rappeler leur existence. Ce sont donc ses compagnons les plus proches qui sont passés à la machine, une cure de lavage qui fait du bien, tant ils tournaient à vide dans l’épisode précédent. L’Âne retrouve lui aussi un peu de caractère, qui dépasse son rôle d’ami envahissant et agaçant. Mais la plus belle réussite est le Chat Potté, devenu gras, astucieusement renommé le Chat pottelé, dont les apparitions auparavant remarquées n’ont plus le même impact maintenant qu’il est devenu ventru.


Les meilleures séquences humoristiques résident très certainement dans ce personnage. Shrek 4 ne manque pas d’humour, certains gags font mouche, d’autres répliques touchent. Mais c’est aussi au prix de ce qui faisait l’identité du premier et du deuxième, la moquerie des codes des contes de fées, les références un peu vachardes, notamment à Disney. Même la bande-son semble mal utilisée. L’irrévérence grand public de ces Shrek semble délaissée, pour un ton plus convenu, pour des blagues qui s’oublieront presqu’aussi vite que le rapide sourire qu’on leur offre, alors qu’il aurait fallu secouer un peu à nouveau le cocotier. Mais Shrek 4 privilégie son histoire et ses personnages, et le fait assez bien, malgré un antagoniste une fois encore qui manque un peu d’éclat.


Par contre, ce dont ne manque pas le film, c’est une évidente expertise technique et qui vient démontrer une décennie 2000 chez Dreamwork Animation à repousser encore plus les limites. C’est peut-être au détriment d’une prise de risque esthétique, mais il faut admirer la finesse des textures, sur des points de détails tels que les peaux des personnages ou le chandail de Shrek qui semble tricoté à la main ou sur les décors. Les escapades en forêts n’ont plus ce sentiment de fausseté, les feuillages sont touffus et végétaux, les écorces presque abîmées, tandis que certains intérieurs ne manquent pas de finesses, à l’image du palais de Tricassin, au luxe éblouissant, et qui sera aussi le cadre de poursuites aériennes impressionnantes.


Shrek 4 est donc le dernier film de la série, même si l’univers continuera à vivre notamment avec des dérivés, des courts-métrages, mais aussi autour du Chat Botté. Il y aura probablement un nouveau Shrek un jour, sous une forme peut-être surprenante. Mais celui-ci clôt une décennie de Shrek de bien belle manière.

SimplySmackkk
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le 26 juin 2021

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