Histoire de mettre les choses bien au clair avant de commencer, je tiens à préciser que je n’ai vraiment pas aimé « Sicario » premier du nom.
Mais alors vraiment pas du tout.
C’est dire, seulement trois ans après, je ne m’en souviens déjà plus et il m’a fallu relire ma critique de l’époque pour revoir des bribes ressurgir de mes souvenirs.


Maintenant que j’ai dit cela, une question doit certainement émerger dans votre esprit.
Cette question, c’est sûrement : « Mais pourquoi diable est-il allé voir cette suite alors que le premier opus l’a débecté ? »
Eh bien, sachez mes cher(e)s ami(e)s qu’en fait, dans mon esprit, je ne suis pas allé voir la suite du film de Denis Villeneuve, je suis plutôt allé voir le nouveau long-métrage de Stefano Sollima.


Parce que oui, après tout il n’y a pas de raison : d’habitude je n’aime pas les films de Denis Villeneuve, donc le problème vient peut-être davantage de lui que de l’univers de « Sicario ». Non ?
Ah ça vous parait tordu comme raisonnement ?
Eh bah regardez pourtant la mise que je viens de récolter sur ce pari là !
Ah ça ! Le Stefano Sollina, il ne m’a pas déçu !


Il faut dire qu’après avoir vu « Suburra », j’avais du mal à voir comment la maestria de ce type là ne pourrait pas ressortir dans un univers comme celui de « Sicario ». Et franchement, ça se ressent dès les premiers plans.
Il y a dès cette introduction un véritable sens de la mesure. On n’en fait pas trop. On questionne en permanence ce que dit l’image. On n’en montre pas trop. Suffisamment pour le spectateur comprenne ce qui se passe et saisisse la tension qui monte. Mais pas trop non plus afin que la scène puis être sèche et bien impactante.
Et s’il faut chercher quelques maladresses dans ce film, c’est bien dans le début qu’elles se trouvent (notamment dans la gestion des attaques terroristes). Mais une fois la machine lancée en plein guerre des cartels, alors là, ça commence à envoyer de plus en plus du lourd.


Sorte de croisée des chemins entre « Zero Dark Thirty », « Traffic » et… – bah « Sicario » premier du nom ! – cette « Guerre des cartels » s’impose progressivement comme une sorte de « thriller de guerre », terme que j’ai moi-même du mal à valider, mais qui témoigne quand-même à mon sens de l’étrange atmosphère dans laquelle finit par nous plonger ce film.
Et si au départ j’étais un petit peu sur ma réserve à cause d’un scénario très « América Fock Yeah », je me suis mis à découvrir petit à petit que la démarche de Stefano Sollina était bien totalement aux antipodes de cela.


Au contraire, à nous montrer ces Etats-Unis emmuraillés, agressifs, et destructeurs de leur propre droit, Sollina ne nous fait pas la peinture d’une Amérique toute puissante et légitime dans sa démonstration de force.
Au contraire, il nous dépeint un empire qui s’effrite et qui est en train de prendre conscience comment toutes ses exactions passées deviennent aujourd’hui les raisons de son effondrement progressif et presque inexorable.
Plus ce film avance, et plus il ébauche un monde nouveau autour de cette frontière. Il ébauche une nouvelle féodalité face auxquels les Empires et autres Républiques sont déjà des pantins désarticulés ; une féodalité dans laquelle les rapports de force se recomposent à échelle d’hommes et de femmes ; et surtout une féodalité face à laquelle chaque individu est amené à se choisir un camp sans forcément que ce soit la question éthique qui soit à la base de ce choix.


Et si je parle de peinture depuis un certain moment ce n’est pas un hasard.
Ce film est plastiquement magnifique. La photographie est un pur régal pour les esthètes. La grammaire cinématographique ici employée est une démonstration de maitrise devenue très rare de nos jours.
Certaines scènes – surtout sur la fin – sont d’une virtuosité que moi je trouve éclatante d’évidence


Je pourrais en citer vingt, mais je retiendrai personnellement la lutte finale entre les deux hélicos et les deux voitures de trafiquants.


En plus, il y a dans ce film d’excellentes idées...


...comme le fait de faire mourir le personnage d’Alejandro. Ça rajoute de la crudité au film en rompant avec la logique du sauvetage attendu.


Bon certes, il y a parfois des idées un peu plus discutables...


...comme le fait de ne pas faire mourir Alejandro… Est-il nécessaire que j’explique pourquoi ?


Mais bon c’est toujours justifié par des exploitations pertinentes donc ça passe.


Moi, ce dernier plan du film avec – donc toujours lui – Alejandro. J’ai trouvé ça juste dantesque.


En somme – et j’avoue que j’en suis le premier surpris – je trouve ce film vraiment exceptionnel.
Ce n’est pas compliqué, à peine j’en sors que j’ai déjà envie d’y retourner.
Ce n’est pas par fascination morbide pour les grands gangsters ou par goût pour l’effusion de sang.
Non. Vraiment, je trouve qu’il y a vraiment quelque-chose de visionnaire (et de somptueusement visuel là-dedans) dans ce film.
Et c’est vraiment cela qui en fait l’un de mes gros coups de cœur de l’année.
A voir. Vraiment...

lhomme-grenouille
9

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le 20 juil. 2018

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