Colonialisme en do majeur

Sans doute pourra-t-on placer Soundtrack to a coup d'État aux côtés de documentaires comme Fahrenheit 9/11 (Michael Moore) ou Un pays qui se tient sage (David Dufresne), tant il arrive à prouver son propos par l'image. Si le ton est plus à la ballade politique et musicale qu'à la comédie acide sur le rôle du gouvernement américain dans les attentats du 11 septembre 2001 ou au coup de poing sur la table face à la répression violente des manifestations des Gilets Jaunes, le documentaire de Johan Grimonprez n'en dit pas moins sur le fonctionnement criminel de la colonisation et de la décolonisation.

Ce que le genre du documentaire de création parvient à agencer, ce sont des archives. Ici, elles sont sublimées par le montage et on se demande où le réalisateur/compositeur a bien pu les trouver et, mieux encore, on réalise leur importance politique. Un son, un bruit, un geste, même involontaire, une fois enregistré, peut devenir une preuve.

Ce qui distingue Soundtrack to a coup d'État de beaucoup d'autres documentaires, c'est sa forme, plus libre, qui donne l'illusion de l'aléatoire, comme une grande improvisation de jazz (qui, pourtant, n'est jamais vraiment aléatoire mais se base sur des connaissances très solides de toutes les associations possibles de notes). Soudain, surgissent dans les violences coloniales, des pubs pour Tesla et Apple (raccord dissonant mais juste). Le réalisateur utilise les archives comme des notes de musique, connaissant parfaitement les associations possibles pour en tenter des inédites. On a deux films (le jazz et la politique), mais un seul discours : la lutte coloniale contre la lutte décoloniale au Congo au début des années 60. Rythmé par une bande originale des plus prestigieuses en matière de jazz, le film se paie également le luxe d'un casting de personnalités des plus importantes en ouvrant cette page majeure et moins connue de la guerre froide en Afrique. Ça change de Tintin au Congo !