Au début des années 80, Chow Yun Fat est la bête noire du box-office, presque tous les films dans lesquels il apparait étant un échec public. Mais en 1986, John Woo le met en scène dans Le Syndicat du Crime et c’est un énorme succès. Dès lors, tout le monde se l’arrache, et ce n’est pas moins de 11 films dans lesquels il joue l’année suivante, en 1987, son année la plus prolifique. David Lai (Saviour of the Soul, Possessed) et Taylor Wong (Rich and Famous, Buddha’s Palm) ne sont dit que, eux aussi, ils auraient droit à leur part du gâteau et s’associent pour mettre en scène Chow Yun-Fat dans Spiritual Love, une comédie romantique avec des fantômes et un peu d’action, produite par Johnny Mak sous la houlette de la Golden Harvest, qui rencontra un bien beau succès à Hong Kong, engrangeant pas moins de 22M$HK sur une période d’à peine un peu plus de 15 jours, confirmant la tendance que, oui, Chow Yun-Fat est passé de mal aimé à valeur sûre du box-office.


Chow Yun-Fat partage ici la vedette avec trois actrices qui étaient des valeurs sûres de l’époque, à savoir Cherie Chung (Peking Opera Blues), Pauline Wong (Mr Vampire) et Deanie Yip (la saga Pom Pom) et, comme dans beaucoup de comédies de cette époque dans lesquelles il a joué, il est presque constamment en surjeu, s’agitant, parlant très fort, et s’amusant comme un petit fou. De nombreux amateurs de cinéma de Hong Kong le préfèrent dans des rôles sérieux, mais son charisme et sa bonhomie font que ses gesticulations sont parfois très drôles. Mais surtout, on sent que Chow Yun-Fat joue avec sa nouvelle image, se parodiant même le temps d’une scène, ce qui le rend rapidement attachant. Autour de lui, un casting des plus sympathiques et talentueux, en particulier une Cherie Chung qui déploie sa merveilleuse palette d’actrice, passant de la comédie au drame en un clin d’œil. Le duo qu’elle forme avec Chow Yun-Fat dégage une alchimie palpable, alchimie qu’on retrouvera entre les deux la même année dans l’excellent An Autumn’s Tale de Mabel Cheung, mais aussi quelques années plus tard dans le Wild Search de Ringo Lam. De son côté, la mise est scène est plutôt soignée. Certaines scènes, comme par exemple la représentation de l’enfer dans lequel la jolie fantôme est enfermée, ou parfois juste certains plans (lorsque Cherie Chung protège Chow Yun-Fat avec une ombrelle) sont bien plus travaillés qu’il n’y parait, avec une bien jolie photographie et des cadrages réfléchis. L’intrigue ne traine pas en longueur, privilégiant le divertissement immédiat, et se permet même quelques fantasy versant dans le bis qui tâche, comme par exemple cette scène d’exorcisme improbable dans une discothèque qui fait office de final. Oui, le succès de Mr Vampire est passé par là.


Parfois très ludique, parfois touchant, tantôt léger, tantôt tragique, Spiritual Love va mélanger pas mal de genres différents (triades, fantastique, romance, comédie, …) comme c’était souvent le cas à Hong Kong à cette époque, mais avec une histoire d’amour qui sera le fil conducteur du récit. Cette histoire d’amour, c’est une histoire d’amour comme l’ex-colonie britannique aimait bien les faire, une histoire d’amour entre un homme et une jolie fantôme. La même année, quelques mois auparavant, sortait Histoire de Fantômes Chinois qui popularisera le procédé avec le succès qu’on lui connait. Bien d’autres suivront, comme par exemple Esprit d’Amour, Painted Skin, My Flying Wife, et il y est souvent question d’un amour qui se joue des frontières entre la vie et la mort de manière très poétique mais dont l’issue est souvent tragique. Les cinéastes hongkongais semblent avoir une passion pour ces histoires d’amour à la fois poétiques et puissantes et il est vrai qu’elles ont clairement un certain charme. Le film part parfois un peu trop dans tous les sens, et s’attarde sur des sous-intrigues qui, au final, bien que sympathiques (la relation entre le personnage de Chow Yun-Fat et son pote sourd muet), ne font que peu avancer la trame principale d’autant plus que, du haut de ses 1h25 génériques compris, Spiritual Love n’a pas forcément le temps d’approfondir tout ce qu’il met en images. Et puis l’apparition du grand méchant vers la fin du film semble un peu arriver comme un cheveu sur la soupe. Le résultat est un peu trop désordonné, c’est clairement son gros point faible, mais c’est aussi ce qui fait le charme de ces productions HK de cette époque.


Spiritual Love est un petit film des plus charmants, un divertissement certes pas inoubliable mais caractéristique du cinéma de Hong Kong de cette époque, certes parfois bancal mais généreux, et mélangeant les genres avec une grande facilité.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-spiritual-love-de-david-lai-et-taylor-wong-1987/

cherycok
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le 29 juin 2025

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