Faire une critique d’un Star Wars a toujours une saveur particulière. Déjà parce que cela veut dire qu’un nouvel épisode est sorti, qu’on l’a attendu avec autant de ferveur que de fébrilité et qu’il a fini par nous conduire dans une salle obscure teintée d’une tension palpable. Chaque fois que les premières notes du générique de John Williams raisonnent dans un cinéma, il se passe quelque chose. Un frisson collectif traverse le public. Un effet qui n’a pas d’égal, qui transcende. Mais un effet qui pèse lourd sur les épaules de ceux qui s’attaquent à la Saga. Ceux-là même qui se devront de répondre à la hauteur d’une exigence de fans quasiment insatiables. Alors, ce nouvel opus a-t-il réussit l’impossible ? C’est l’heure est du bilan.


Deux ans après le retour de la franchise, pour la première fois sous pavillon Dinsey, Star Wars revient donc à l’affiche avec le huitième épisode de sa saga. Après Le réveil de la Force, qui avait explosé les compteurs du box-office et reposé les bases d’une nouvelle trilogie, l’attente était tout bonnement énorme. Si l’opus de J.J Abrams avait été plutôt bien accueilli par le public, bien que souvent critiqué pour son manque de personnalité, c’est cette fois Rian Johnson qui se retrouve aux manettes. Et c’est sans aucun doute à lui que ce Star Wars doit son salut.


Le principal tour de force de l’opus réside en effet de sa capacité à se démarquer de ses prédécesseurs, tout en respectant quelques traditions. Que ce soit dans le rythme, dans la construction narrative et surtout dans la réalisation, Les derniers Jedi sort du lot et s’offre une patte très reconnaissable. C’est d’ailleurs sans aucun doute le point de rupture pour son réalisateur. Celui qui fera pencher d’un côté ou de l’autre de la balance le spectateur. Celui qui déterminera si on aime, ou si on déteste. Pas de mesure, pas d’entre-deux, et les premières critiques semblent aller dans ce sens.


Dans les faits, le film propose plusieurs arcs narratifs et amène un peu de profondeur à la réflexion. Souvent même sur le plan philosophique. La question n’est plus centrée sur la lumière et les ténèbres. La Force est au centre des débats, présentée pour la première fois comme un tout, accessible à chacun, et non réservée à un ordre, une élite. Là où le culte des Jedi et de leur religion avait la main mise sur son usage, elle devient une entité suffisante, seule, indépendante de toute organisation vivante. Et son illustration par le biais de Rey, dont les origines sont enfin dévoilées, termine de la placer au-dessus de tout. Le piège aurait pu se refermer sur lui-même et enfermer cette trilogie dans un espace déjà exploré. Au lieu de ça, Rian Johnson l’embarque avec lui dans une autre voie, qui peut laisser circonspect, parfois, mais qui offre à la saga un tournant nécessaire.


Il impulse une autre force, une autre vision. Ajoutant, en parcimonie, quelques éléments qui ne sont pas dans la recette originale, mais qui savent se marier grâce à son dosage, toujours juste. De l’humour, par exemple, qui détonne avec la dramaturgie parfois mystique de certaines scènes, passées et présentes. Mais il va plus loin, en prenant le contre-pied régulier de son prédécesseur, dans la réalisation, laissant volontairement de côté le gigantisme pour resserrer l’attention sur le visage des héros qu’il raconte. Tout ne fonctionne pas toujours, il faut en convenir, mais l'ensemble apporte une fraîcheur et une dramaturgie qui manquait, sans doute.


Il s’appuie aussi sur des figures puissantes, marquantes. Luke, sublimé par Mark Hamill, qui prend une ampleur (enfin) à la hauteur de son mythe. Leïa, à travers laquelle Carrie Fisher nous rappelle combien elle va manquer à Star Wars et au cinéma, qui passe doucement un témoin qu’elle portait seule jusque-là. Ou encore Rey, dont Daisy Riley à définitivement pris possession, qui grandit, tiraillée et perdue, dans un contexte qui la propulse à une place à la mesure de sa force. Elle est sans aucun doute celle qui devra traverser les étoiles, et les années, pour transmettre le flambeau d’une saga aux générations à venir. Bien sur elle sera accompagnée, de John Boyega (Finn), de Oscar Isaac (Poe Dameron) ou encore de Adam Driver (Kylo Ren), mais c’est sur elle que l’essentiel reposera. Parce qu’elle est le centre du développement et de l’évolution de l’histoire, à travers son incarnation de la Force, dans sa nouvelle forme. Je n’ai aucun doute sur sa capacité à faire tenir sur ses épaules le poids de la transmission. Elle deviendra un mythe, un guide, comme Luke ou Leïa le sont aujourd’hui et offrira aux générations futures un parfait relais.


C’est d’ailleurs là le thème principal du film. Celui des générations. Celles passées, celles encore présentes, mais surtout celles à venir. Kylo Ren, toujours torturé par un conflit mêlant ombre et lumière se révèle, prend une épaisseur qui jusque-là lui avait fait défaut. Il détient sans aucun doute le questionnement principal que pose le film, lorsqu’il propose de « laisser mourir le passé » dans son ensemble, Jedi comme Sith, République comme Rébellion, pour reposer de nouvelles bases. Une idée renforcée par Luke, tourmenté depuis son échec auprès de celui qui fut son élève, et qui se refuse longtemps à donner à Rey les leçons qu’elle réclame. Rongé par le remord, retranché sur lui-même, il ne devra son salut qu’à un retour qui dépasse le cadre du mythe et qui, dans la salle, à provoqué l’émoi. La force parmi la force, incarnée à travers un emblème. Le seul à même de ramener Luke à la raison (ou pas) et de lui offrir la fin qu’il mérite.


Un autre enseignement à tirer de cet épisode, la relativité de la notion de bons ou mauvais choix. Au contraire de son générique, toujours aussi manichéen, et de quelques-uns de ses personnages qui restent des repères de chaque camp, la question se complexifie. Poe Dameron en est un étendard, privilégiant le résultat à la manière et à ses conséquences. Leçon qu’il tirera plus tard dans le film, après un recadrage royal d’une princesse devenue chef de guerre. Dans le même temps Rey s’aventurera proche de gouffres obscurs, bercée par une volonté, que d’aucuns jugent naïve, de ramener à sa raison ceux qui s’en sont éloignés.


Ce Star Wars marquera la saga, quel qu’en soit l’avis que l’on porte sur ce qu’il est. D’abord parce qu’il tranche, qu’il risque, quitte à déplaire. Surtout parce qu’il offre autre chose et qu’il fait dans jusqu’auboutisme. En proposant une fin étonnante par rapport à sa place dans la trilogie, très ouverte mais aussi en assumant un scenario qui rendra la tâche difficile, notamment avec la disparition d’une des effigies de la saga qu’est Carrie Fisher. Le réalisateur de Lopper est allé au bout de son idée. Je ne saurais que trop saluer sa démarche, qui propose un récit à la fois rythmé, et réfléchi, parsemé de quelques tableaux visuels extraordinaires (un en particulier, sevré de son, mais dont la puissance n’a à mes yeux pas d’égal dans toute la saga) et apportant une épaisseur nécessaire à une trilogie qui peut se rêver à dépasser ces ancêtres.


L’élève fini toujours par dépasser le mentor. Avec ce huitième épisode, Rian Johnson a gagné son rang de maître. Jedi, évidemment.

Guistrom_R
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le 17 déc. 2017

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