Trés touchant et joliment mis en scène, ce portrait de femme a de quoi surprendre. Singué Sabour monte crescendo pour faire passer sa protagoniste d'une attitude passive, résignée à ce celle d'une personne forte, libérée des chaînes, religieuses et sociales, qui oppressent les femmes de son pays. Atiq Rahimi n'y va pas par 4 chemins et embrasse ces thèmes qui sont généralement tabous dans des pays comme l'Afghanistan. Son personnage féminin qui, pour la première fois, va pouvoir parler librement à ce mari qu'elle ne connait pas, alors qu'elle est sa femme depuis 10 ans, uniquement parce qu'il est dans le coma, est un postulat de départ qui peut sembler déroutant au prime abord. Mais une fois que le parallèle avec la pierre de patience est instauré, la magie opère et l'émotion s'installe.

Golshifteh Farahani prête tout son talent à cette femme touchante qui est le centre du film. Magnétique, résolue et sensible, elle parvient à rendre réel ce tiraillement qui la torture. Il n'y a pas une seconde sans qu'elle ne soit à l'écran et pourtant on ne se lasse jamais de sa présence. Atiq Rahimi la met en valeur avec sensibilité et parvient à insuffler à son film un rythme suffisant, malgré son côté contemplatif, pour nous emmener jusqu'à la libération de sa muse sans que l'on ne s'ennuie un instant. Une belle prouesse quand on considère le côté désertique qui caractérise chaque scène. La guerre y a chassé toute présence, seuls finalement le danger et l'interdit semblent encore oser s'y aventurer.

Lorsque Atiq Rahimi finit son film, qu'il imprime sur le visage de son actrice ce sourire libérateur, la puissance évidente de son propos nous saute au visage. Golshifteh Farahani revit, après avoir pu se confesser à ce mari qui l'écoutait enfin. On pourra reprocher peut être au réalisateur ce sursaut de vie qu'il offre à cette pierre qui doit exploser, mais la justesse avec laquelle il a animé la jolie Golshifteh Farahani pendant le reste du film fait qu'on ne lui en tient pas rigueur. Syngué sabour est un très beau portrait de femme et mérite d'être découvert.
oso
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le 13 févr. 2014

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