Dans la communication et la publicité que s'offraient ce nouveau Batman, on était en droit de s'attendre à un renouveau cinématographique du personnage, d'autant que Matt Reeves est le réalisateur des récents blockbusters La Planète des singes, pour lesquels j'avoue avoir porté un intérêt. Le résultat est en demi-teinte : malgré cette volonté de transpercer les codes génériques du blockbuster débile hollywoodien, ce nouveau film sur le Chevalier Noir est un beau gâteau en surface mais avec pas grand chose à l'intérieur.


Il faut déjà saluer l'intention : The Batman n'est pas un blockbuster comme les autres. Le travail de Greg Fraiser en tant que directeur de la photographie plonge nos personnages dans un Gotham très sombre, avec parfois des idées de plans et de mise en scènes très léchées, qui pousse à admettre qu'il y a eu des efforts et une volonté de changer le ton habituel de ces grosses productions. La première heure est à mon sens assez révélatrice de tout ça : entre les scènes qui prennent leur temps, la lourdeur quasi constante, un jeune Batman torturé qui ne se fait pas tout le temps reconnaître quand il intervient dans la rue, l'entrée dans l'énigme du Riddler. Tout porte à croire que le film sera porté comme une sorte de grosse enquête policière maligne et surprenante. Mais une fois l'entrée en matière des personnages, et une fois que l'on a saisi l'ambiance, The Batman va rester dans ce ton sans jamais aller au fond des choses.


Première chose, aucun personnage n'est proprement développé et il est difficile de comprendre les motivations de chacun. Bruce Wayne reste en permanence dans ce coté très émo dépressif et ne semble pas s'améliorer et apprendre des choses au fur et à mesure de l'intrigue. Et quand les premiers rebondissements arrivent sur sa famille, il y a un potentiel énorme dans l'écriture pour moi à développer pour remettre nos repères moraux en question, ainsi que ceux de Batman. Mais le film choisit la sobriété et le manichéisme enfantin, où chaque gentil est gentil et chaque méchant est profondément méchant. Cette déception scénaristique est appuyée par Alfred dans le film, qui ne sert que pour deux scènes larmoyantes, où Robert Pattinson cabotine comme jamais alors qu'il est majoritairement juste tout le long de l'histoire. On ne le verra jamais dans d'autres situations, ce qui le met complètement au second plan. Pareil pour le Riddler, antagoniste principal du long-métrage, dont les convictions et les motivations douteuses deviennent très superficielles à la fin. Le film ne parvient pas à créer un personnage malin, intense, complexe. Juste un timbré joué de manière assez classique par pourtant l'excellent Paul Dano, qui n'est pas aidé par la faiblesse de ses répliques anarchistes. Toute sa mise en scène tombe en éclats très rapidement et semble dépassée par des évènements qu'il a pourtant anticipé tout le long du film. Ca ne le rend donc jamais effrayant, et on ne comprend jamais où il veut en venir en particulier avec Batman, quelle relation il attend, ce qu'il espère de lui. On reste très en surface. La situation est un peu similaire pour Le Pingouin, qui a plus une stature de petit mafieux un peu nul dans l'histoire. La médaille d'or est pour moi décernée à Catwoman, personnage terriblement mal écrit, qui n'a aucune profondeur dans sa personnalité, ses choix, et sert principalement d'amourette ridicule qui n'apporte que des scènes évitables dans l'intrigue.


Intrigue fastidieuse car elle n'amène pas le spectateur à enquêter avec Batman. Un bon film sur une enquête saupoudrée d'énigmes dangereuses, avec une mise en scène misant sur le détail visuel mais aussi dans les dialogues, aurait permis au spectateur de comprendre comment on avance. Mais là, c'est un peu le cafouillis. Entre les conflits d'intérêt qui finissent pas être expliqués à voix haute par les personnages, les dialogues poussifs du type "Tu veux dire que "machin" a tué mon père ??" histoire de bien faire comprendre à tout le monde au cas où ça ne serait pas clair, et les prétendus retournements de situations assez prévisibles, l'intrigue n'a finalement d'intéressant que ses 30 premières minutes, où tout est encore énigmatique et où, comme Batman, le spectateur cherche des pistes. Dans sa deuxième et dernière heure, le film accumule beaucoup plus les clichés et s'enterre dans une intrigue qui est impossible à suivre et à comprendre sans ses fameuses répliques qui expliquent où nous en sommes, et c'est très dommage pour un film qui lance pourtant au départ une mise en scène sombre, posée, avec très peu de dialogues, et qui pour moi est efficace au début. Chaque moment de révélation et de tension est mis en scène par une montée de la musique, le rythme plus effréné du montage, mais ça n'est pas suffisant pour rendre le tout crédible, c'est une facilité.


Reste alors les quelques scènes d'actions, qui sont souvent intéressantes et prenantes au vu des situations, mais restent relativement sobres. C'est aussi un point que je trouve très dommage : dans cette noirceur que nous propose le film, les bagarres sont finalement filmées de manière très soft : les acharnements de coups de poings sont hors champs, il y a très peu de sang, les bastons à plusieurs sont chorégraphiées de manière très classique. Quelques effets de style viennent parfois sauver des scènes (notamment la course poursuite avec Le Pingouin où il y a de bonnes idées), mais aucune scène d'action n'est particulièrement intense. Elles n'ont pas beaucoup d'enjeu car elles sont cadrées et montées comme dans n'importe quel blockbuster qui serait interdit aux moins de 10 ans. La violence est donc formatée, dans un décor noir et glauque, ce qui gâche d'autant plus le potentiel d'un tel univers.


Le message porté par le scénario et les intentions de réalisations semblent être le reflet d'une critique sociétale américaine, portée par la populisme que semble symboliser Le Riddler avec ses followers, et cette incapacité à savoir si rétablir l'ordre est une bonne chose ou produit au contraire l'effet inverse. Un message politique fort mais qui n'est pas aidé je trouve par la faiblesse d'écriture dont fait preuve le film à l'égard de ces protagonistes, où tout semble se résoudre avec toujours la même bien pensance.


The Batman a un très bon postulat de départ, et les intentions de Matt Reeves à en faire un film noir sont louables et assez réussis dans la forme, avec des plans et des séquences très propres. Mais le fond reste très formaté, pas très intéressant, et les personnages manquent cruellement de développement. On reste dans une soupe de noirceur qui n'est jamais poussée dans ses retranchements, qui fait plaisir au départ, mais devient risible à la fin, car la bonne morale et le développement de l'histoire restent assez identique à ce qu'il se fait d'habitude dans ce genre de grosses productions. Nos repères moraux ne sont jamais mis à mal, alors que les occasions ne manquent pas dans les rebondissements, et le film laisse place au fur et à mesure à un confort qui n'a plus de vraiment de rapport avec ce qu'il introduisait. Mais il faut continuer sur cette lancée.

Guimzee
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le 6 mars 2022

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