Preuve qu'il faut toujours se faire son avis perso à soi tout seul comme un grand, je ne partage pas l'avis assassin de Drexl/Françoi Cau, entrainant ainsi un effondrement cataclysmique de la cohérence éditoriale de Nanarland comme nous le feront savoir à coups de diatribes comminatoires nos gardiens du temple d'internet. En effet, The Disaster Artist m'est apparu comme un film intéressant et même marrant, sans pour autant être particulièrement féroce à l'encontre de son sujet, le désormais über-hypé Tommy Wiseau. Je dirais même, au regard de la soirée double séance que j'ai animée le mois dernier, et malgré mon appréhension déjà exprimée, qu'il s'est avéré être une bonne introduction à The Room pour un public qui n'aurait sans doute jamais pu s'enquiller ce nanar d'un genre inhabituel dans des conditions plus rêches.
Je ne me sens néanmoins pas en capacité de débattre de ce qui, dans la réussite de The Disaster Artist, relève des compétences cinématographiques de James Franco ou du matériau de base, à savoir la dinguerie toujours aussi épatante de la vie de Wiseau. Je concède au premier d'avoir bien bossé son imitation du second, quitte à tomber dans un perfectionnisme un peu stérile (les séquences rejouées et comparées aux originales dans le générique de fin). Par contre, je ne peux que constater un véritable choix de narration de la part de Franco qui décide de réaménager en grande partie le livre original pour arriver à un film édulcoré, sacrifiant totalement Sestero, faisant fi de la complexité pourtant passionnante des relations entre les 2 personnages principaux et montrant le tournage de The Room comme une belle aventure un peu fofolle là où la vérité est aussi fascinante qu'effrayante.
Le plus terrible est que d'une certaine manière, il scelle un peu plus le sort (la malédiction) de Sestero qui semblait avec son récit tenter d'exorciser ses démons. C'est là de mon point de vue le principal reproche à porter à The Disaster Artist : trop résumer la complexité en une belle histoire hollywoodienne, rabotant au passage toute la part sombre de Wiseau pour en faire un gentil gugusse. Mais sans doute que cet aspect n'intéresse que les aficionados et non le grand public (ou bien touche-t-on là du doigt ce qui vient agacer notre fibre geek quand un de nos objets de plaisir se transforme en une hype un peu artificiel et dénaturante).
Quoi qu'il en soit des débat à son sujet, reconnaissons à The Disaster Artist d'incarner une mise en abyme fractale inédite et assez vertigineuse du média filmique et sur le rapport à énième degré que l'on peut en avoir, particulièrement en tant qu'amateur de mauvais films sympathiques.