The Hole fait à la base parti du projet " L'an 2000 vu par " commandé par Arte dans le cadre d'un cycle sur les derniers jours de 1999. La chaîne a commandé 10 films à 10 réalisateurs différents avec comme seule contrainte la durée du métrage ne devant pas dépasser 1 heure. Tsai Ming-Liang a eu beaucoup de mal à réduire son travail à 1 heure et a donc monté 2 versions. Une version de 60 minutes pour la diffusion télévisée ainsi qu'une version " longue " de 89 minutes tel que l'a voulu le réalisateur, et qui est sortie en salle.

Tsai Ming-Liang nous livre donc un film fantastique montrant une vision pessimiste du passage à l'an 2000. Encore une fois et comme dans tous ses autres films, le réalisateur explore le thème de la solitude avec deux personnages inscrits dans une routine quotidienne quelque peu dérangée par la création d'un trou reliant leur deux univers. Cette solitude est représentée sous la forme d'une maladie rendant les humains proches du cafard dans leurs comportements, faisant immédiatement penser à l'univers de Kafka. On retrouvait déjà l'évocation de ce type de problème dans ses précédents films, se déroulant toujours à Taipei, avec la pollution de la rivière dans le film du même nom ou encore la dévastation du parc dans son " Vive l'amour ". Seulement cette fois, ce n'est plus un lieu précis qui est touché mais bel et bien la ville entière.

Pour s'échapper de cette solitude, Tsai Ming-Liang met en scène des passages musicaux rendant hommage aux comédies musicales de la Cathay et plus particulièrement à celles de Grace Chang. On retrouve par exemple la chanson Calypso, que Grace Chang interprète dans le film Air Hostess, ou encore Tiger Lady et Achoo Cha Cha. On entre donc dans un univers quelque peu kitch pour l'occasion où le décor de l'immeuble délabré se transforme en un univers plein de lumières et de paillettes. On est alors transporté l'espace de la chanson dans les fantasmes des personnages imagés par Yang Kuei-mei dansant et chantant en play-back sur la délicieuse voie de Grace Chang.

Niveau mise en scène, la caméra bouge peu et nous offre de longs plans séquences où les dialogues sont très rares. A ce titre, le film pourra en rebuter certains par sa lenteur et son manque d'animation. L'interprétation des acteurs est parfaite, on pourrait juste reprocher peut être que Yang Kuei-mei n'arrive pas à la cheville de Grace Chang que ce soit au niveau du charisme comme de la danse (mais en même temps c'est un fan qui parle). Au final, Tsai Ming-Liang nous offre donc un film à la fois pessimiste dans le ton mais avec une lueur d'espoir en guise de conclusion. Le réalisateur signe avec The Hole un de ses films les plus accessibles même si ce n'est pas forcément le meilleur.

A noter que pour ceux qui voudraient se procurer les chansons de Grace Chang sur CD il existe une compilation : " The Legend Of EMI Pop Songs Times Vol.1 " regroupant 22 titres disponible pour moins de 10€ sur le net. Quant à ses films, une bonne partie de sa filmographie a été édité chez Panorama dans des conditions honorables et avec des sous titres anglais. S'il ne fallait garder qu'un titre, je conseillerais grandement Wild Wild Rose, son ultime chef d'œuvre allant au delà du simple divertissement.
Ryo_Saeba
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le 3 oct. 2010

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Ryo_Saeba

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