Park Ri-woong aime filmer des gens en colère. Au port de Nammyeon, le capitaine Yeong-guk ne défronce jamais les sourcils. Renfrogné, alcoolique, xénophobe et plus têtu qu'un mulet (un poisson pourtant délicieux, et bon marché). A première vue, le capitaine Yeong-guk a tout pour déplaire. L'ennui avec la première impression, c'est que l'on ne peut en faire qu'une seule. Même sa propre fille lui fait la gueule. Dans son petit village de pêcheurs désolé, le vieux loup de mer est bien isolé. Et puis Yeong-guk a du vague à l'âme. Il n'aime pas trop ce que son village devient. Les pêcheurs ne gagnent plus leur vie en la risquant. Il n'y a guère plus que la venue des plongeurs du dimanche qui les fasse vivre, mais la seule idée de devoir faire cuire des ramyeons aux touristes lui donne de l'urticaire. "Un pêcheur doit pêcher", quitte à conjuguer la pauvreté aux risques du métiers. Il n'aime pas la mesquinerie chez la plupart de ses voisins. il n'aime pas non plus la coriandre. En fait il n'aime rien. Super, on se dit qu'on va passer un rudement chouette moment en sa compagnie... Pourtant, un soir, le vieil homme bazarde tous ses principes rigides d'ex-milouf pour venir en aide à Yong-su, un jeune pêcheur pauvre qui travaille à bord de son bateau délabré,. Yong-su a des dettes, une jeune épouse étrangère enceinte et une mère âgée qui a bien du mal à marcher. Mais Yong-su a également un plan, qui ne demande qu'à ne pas se passer comme prévu. Pour Yeong-guk, le retour au plancher des vaches s'annonce plus agité encore que son séjour en mer. "The Land of Morning Calm" est un film aux titres clandestins. Son titre original "Les mouettes du matin" est inspiré de la première rime d'une joyeuse comptine coréenne sur la mer. Pour son titre international, le réalisateur a choisi l'expression proverbiale, forgée par un auteur français à la fin du 19éme siècle pour introduire le royaume de Joseon en Europe : "le Pays du Matin Calme", dépeignant la Corée comme une société paisible mais figée. A l'instar du tournage, l'atmosphère des villages de pêcheurs coréens a évoqué à Park Ri-woong une impression moderne de calme inerte. "J'ai opté pour ce titre anglais car je pensais qu'un pays autrefois si paisible avait connu des hauts et des bas mais était désormais littéralement désert". En contraste absolu avec les péripéties du métrage (et de son tournage), le film révèle un réalité méconnue sous l'apparente sérénité des images de Cheongju (c'est comme les images d'Epinal, mais genre là bas) : la dégradation des conditions de vie d'une population qui décline, la lutte pour l'intégration des femmes vietnamiennes mariées à des pêcheurs locaux, qui cachent leur mal du pays derrière un sourire poli, les difficultés grandissantes des habitants vieillissants qui persistent malgré tout à résister au changement. Hors champ, La dure réalité du cinéma coréen fait écho aux souffrances à l'écran. Le tournage s'est avéré aussi rude que la vie de ses protagonistes : réduit à 28 jours, chaque scène a fait l'objet d'une planification méthodique, notamment celle où Yongsu tombe à l'eau qui a nécessité une attention particulière en matière de sécurité et de logistique. Bien que Yoon Jusang soit un visage bien connu des dramas, c'est un comédien rare pour les salles obscures. Son dernier rôle sur grand écran remonte à 2011. Nourrit-il un ressentiment particulier lui aussi ? Juché sur un Bulldozer ou à bord d'un bateau, Park Ri-woong nous conte l'histoire d'un énervement. Des êtres poussés à bout par un pays dont on échappe que par une fraude à l'assurance vie posséde-t-il encore quelques attraits ? Seulement si on fait l'effort de dépasser la première impression.

SsamD
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