le 13 juin 2025
Dancer in the quarks
Life of Chuck est un film à la marge, et c’est aussi ce qui explique l’enthousiasme qu’il suscite. À la marge de la filmographie d’un réalisateur qui a habitué son public au genre horrifique, et à la...
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Lorsque l'on entend le nom de Mike Flanagan, on pense inévitablement à l'horreur. À ses excellentes séries The Haunting of Hill House et The Haunting of Bly Manor, ou à quelques belles incursions au cinéma avec notamment Hush (Pas un bruit) en 2016, ou plus récemment en 2019, Doctor Sleep, adaptation d'un roman de Stephen King. Il n'était donc pas difficile d'envisager qu'il s'attaque à une autre œuvre du maître du roman horrifique. Mais qui aurait pu penser qu'il s'agirait de sa nouvelle fantastique La Vie de Chuck, assez loin de l'angoisse qu'il a l'habitude de peindre sur nos écrans. Voir Flanagan s'essayer à cet exercice suscitait autant de curiosité que d'inquiétude. Quelle fut alors la surprise générale en découvrant The Life of Chuck, avec notamment Tom Hiddleston, Chiwetel Ejiofor, Karen Gillan, ou encore Mark Hamill.
Il est difficile de résumer The Life of Chuck sans en révéler tous les secrets, et surtout celui qui se révèle sous nos yeux ébahis lorsque le premier acte se conclut, et nous laisse entrevoir sa substantifique moelle qui nous fait prendre conscience de l'ampleur écrasante de cette première demi-heure de film, jusque-là seulement étrange et intrigante, et qui soudain plonge le spectateur dans un hallucinant vertige. Les trente premières minutes ont su construire toute la face d'un monde, aux lèvres duquel on ne peut qu'être suspendu. Puis, passé ce coup de massue, l'on comprend que la narration tente, elle aussi, de nous prendre à revers : le récit de la vie de ce mystérieux Chuck va nous être raconté à l'envers, et autant dire que ce renversement de la chronologie fait tout pour ne pas ménager nos émotions, mises à vifs.
Ce Chuck, nous le verrons au long du film à des âges bien différents, et donc interprété par plusieurs acteurs, les plus jeunes se montrant eux aussi bien talentueux. Jacob Tremblay, Benjamin Pajack, et pour la plus jeune version de Charles « Chuck » Krantz, Cody Flanagan, fils du réalisateur. Mais l'acteur que le public attendait le plus pour lui prêter ses traits, celui qui figure sur l'affiche, c'est bien sur Tom Hiddleston, et c'est lui qui brille durant ce deuxième acte (qui ne fait en fait pas suite au premier, mais au troisième, vous suivez ?). Le narrateur qui nous accompagnait déjà dans le précédent segment continue de rythmer le récit de ses mots, avec toujours cette voix monotone et procédurière qui provoque un décalage assez savoureux avec le ton du film. La puissance de ce deuxième acte émerge de sa simplicité renversante ; il n'est pratiquement qu'une longue danse, partagée entre Chuck et une inconnue, au beau milieu des passants subjugués par leur prestation, sur le rythme d'un solo de batterie joué par une artiste de rue.
Cet instant suspendu dans le temps, véritable bulle de bonheur chaleureuse qui flotte au milieu du film, et surtout après la glaçante découverte faite à la fin du troisième acte, arrache à coup sur un sourire, et peut-être même quelques sanglots pour les plus sensibles. Ce qui en fait probablement la scène la plus délicieuse du long-métrage, c'est qu'en peu de mots, mais simplement des pas de danses, des rires, des regards, elle nous en apprend plus sur Chuck que ne l'a fait le premier tiers du film, et l'on y aperçoit une part de nous-mêmes. Cette rencontre profondément simple et humaine parle, à elle seule, de rêves, de regrets, de passion, d'amour, de souvenirs impérissables, de notre « moi profond ». De la vie, en somme, et se résume parfaitement par la conclusion du narrateur : « Chuck eut le sentiment que Dieu a créé le monde rien que pour cet instant ».
Le dernier acte – ou le premier, c'est selon – s'avère certes touchant, mais surtout très riche, peut-être même un peu trop. Dense, bavard, étalé sur beaucoup plus de temps que les deux autres, il est passionnant mais perd largement en simplicité, charme, et efficacité, ce qu'il gagne en développement. Il faut dire que cet ultime acte, c'est celui des réponses, aux questions jusqu'à lors posées, aux vagues esquisses qui ornaient les précédents tableaux du triptyque, alors que paradoxalement, puisqu'il s'agit des jeunes années de Charles, on s'attendrait à ce que l'innocence de l'enfance ne déteigne sur l'ensemble. Mais c'est aussi et surtout la «révélation finale», ce que contient la pièce secrète que son grand-père gardait à tout prix fermée à Chuck, qui peine à convaincre. Quand bien même la scène a quelque chose d'envoûtant que King sait insuffler à ses œuvres fantastiques, elle supporte la lourde tâche de suivre les deux précédents actes, et clôturer un récit aussi modeste qu'il est bouleversant. Mais compte tenu de la difficulté de son rôle, elle l'a tout de même rempli honorablement.
The Life of Chuck est un pari réussi pour Mike Flanagan, qui non content de prouver qu'il n'est pas seulement un grand artisan de l'horreur moderne, signe ici ce qui est sans doute à l'heure ou ces lignes sont écrites, son plus grand film. Les prestations des acteurs sont invariablement belles et authentiques, et nous restent elles aussi. Le visionnage fini, reste l'envie de le redécouvrir encore, avec un œil nouveau, tant il reste à apprendre. Car il n'est pas question que de la vie de Chuck, mais de la Vie, la notre, celle de chacun, tant dans toute leur splendide grandeur, que dans leur horrifiante insignifiance au milieu de l'infinie existence. Ne demeurent, au fond, que les rencontres, les sourires, et les danses.
(En vrai, on a tous déjà imaginé se mettre à danser comme un Dieu en pleine rue non ? OU c’est juste moi ?)
Créée
le 3 oct. 2025
Critique lue 9 fois
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