En 2016, après plusieurs drames, des tentatives plutôt réussies dans le thriller, et avant de signer Ad Astra en 2019, Gray va tenter une expérience quelque peu hors du cadre. Si Lost City of Z peut sembler hors des sentiers battus, c’est qu’il s’apparente à un genre ayant délaissé les salles obscures depuis de nombreuses années.

Après la lente mort du western, le film d’aventure a également fait ses adieux aux salles obscures. S’ils subsistent encore parmi quelques irréductibles, la tendance n’est plus à l’exploration ni à la poursuite dans la jungle. Contre-pieds à la tendance, James Gray va choisir l’histoire de Percy Fawcett pour son œuvre, la poursuite de « Z », la cité perdue et nous offrir, en même temps que cet explorateur, un regard neuf sur un genre dépassé.

Percy Fawcett était un explorateur britannique du début du XXème siècle, envoyé en Amazonie pour cartographier le fleuve, frontière naturelle entre le Brésil et la Bolivie. Parvenant à remonter le-dit fleuve, Fawcett va alors faire une découverte qui bouleversera sa vie : dans ce lieu sauvage, à la flore luxuriante et indomptée, il va mettre la main sur de précieux vestiges archéologiques. Ces trouvailles le conduiront à mettre en place plusieurs expéditions afin de découvrir ce qui fut (et peut être est encore) une civilisation que le monde d’alors n’aurait jamais vu.

Dans le film de Gray, Percy Fawcett est joué par Charlie Hunnam, qui porte le rôle à merveille, offrant au spectateur toute l’humanité que souhaite faire transparaître Gray à travers son personnage. Fawcett représente la modernité, l’ouverture d’esprit. Là où les autres ne considèrent les natifs d’Amérique du Sud, lui se renseigne sur leur culture, choisissant le pacifisme à la guerre. Leader rêveur, ses actes résonnent dans ceux qui l’accompagnent, les poussant à retourner encore et encore avec lui dans l’enfer vert de la jungle amazonienne. Camarade d’infortune et loyal jusqu’à la mort, le journaliste Henry Costin est incarné par un Robert Pattinson qui prouve, une nouvelle fois, ses talents d’acteur.

Quant aux seconds rôles, ils sont portés avec brio, que ce soit Sienna Miller qui vient porter l’épouse de Percy, Nina Fawcett, en féministe de son temps, placée dans l’ombre de son mari et soutenue uniquement par celui-ci lorsqu’il est présent. La relation des deux permet également de mettre en parallèle ces vies du major Fawcett : Quel prix est trop élevé pour vivre son rêve ?

S’arrachant à la vie mondaine et à la société pour laquelle il porte le plus grand intérêt, la jungle va changer le major Percy, ainsi que tous ceux qui lui sont liés. Ce parallèle permet également à Gray de montrer la différence faite entre les actions et les paroles d’un homme, parallèle incarné par Angus Macfayden, portant à l’écran l’insupportable James Murray, symbole de l’hypocrisie politique, ainsi que de la recherche de gloire, au sens vain du terme.

Etalant son histoire sur plus de vingt ans, Lost City of Z dépeint un monde changeant, accélérant, face à une jungle toujours plus épaisse et enivrante. Si cette jungle parait tout d’abord anxiogène, le film avançant, elle gagne en sérénité, nous faisant presque oublier son danger incessant. Constante et addictive, elle semble immuable, tandis que le monde des hommes s’embrase. Le film commence sur la fin d’une guerre et se termine à l’aube d’une nouvelle, tandis que la recherche se poursuit sous la canopée brésilienne.

Lost City of Z se perd parfois dans sa temporalité, ne permettant pas de comprendre la quête de Fawcett, œuvre d’une vie. Le film parvient cependant à tenir en haleine sur son ensemble, évitant les temps morts et avançant vers son inexorable fin, apportant par là aussi une paix méritée à un homme qui n’avait de soldat que l’uniforme.

Si la vie du vrai Percy Fawcett est connue, ses derniers mois restent un mystère, dont James Gray nous offre son point de vue. Comme tout biopic, il est bon de différencier les faits de la romance, et il convient de comprendre que la fin imaginée par Gray n’est probablement pas la fin que rencontra Percy Fawcett lors de l’expédition qui le vit disparaitre, lui et son fils.

Elle offre cependant au film une conclusion onirique indispensable. Que valent les rêves ? Sommes-nous prêts à offrir jusqu’à notre vie pour ce dont nous rêvons ? Peut-on vivre en renonçant à nos rêves ? Les questions restent en suspens, comme restera en suspens la vie de Nina Fawcett, rongée par ces deux disparitions. Quelle valeur, alors, au rêve d’un homme, qui sacrifia sa famille ?

Lost City of Z soulève de nombreuses questions, sans réellement apporter de réponses. Il explore une jungle profonde et assourdissante à une époque où il devient de plus en plus compliqué de répondre à ces questions. Pari réussi alors, pour James Gray, qui signe ici un magnifique film d’aventure, qui nous emporte pendant un temps aux côtés d’un homme rongé par ses rêves et ses ambitions, mais qui ne cessa jamais de croire.

Paradox
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le 5 avr. 2020

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