Lorsque Hollywood s’est mis en pause à cause du Covid, le producteur taïwanais Jeffrey Huang s’est dit que c’était la bonne période pour lancer un film afin que, à sa sortie, ce dernier ait très peu de concurrence américaine dans les salles. Il contacte son ami canadien Rob Jabbaz, qui n’avait jusque-là réalisé que des courts métrages, et lui demande d’écrire le plus rapidement possible un scénario horrifique en rapport avec la pandémie mondiale, et également de le réaliser dans les plus brefs délais afin d’engranger rapidement de l’argent. Jeffrey Huang s’occupera d’amener l’argent grâce à des bénéfices qu’il réalise en spéculant sur la crypto-monnaie et via une entreprise de Cam-girls. C’est donc de l’opportunisme d’une personne qu’est né The Sadness, film d’infectés gore et ultra violent qui a fait sensation dans les divers festivals où il est passé, remportant même le Prix du meilleur premier film au Fantasia Film Festival 2021, et qui fait fureur auprès des internautes à l’heure où j’écris ces lignes, l’encensant de nombreux superlatifs divers et variés. Pourtant, bien qu’il soit éminemment sympathique, The Sadness est bien loin d’être parfait.


The Sadness démarre assez vite et ne va pas s’encombrer d’une longue introduction. Passée la présentation de nos deux protagonistes, un jeune couple qui s’aime intensément, les informations vont commencer à nous arriver. Nous sommes en pleine Pandémie, et le virus qui touche la population semble muter et transformer les gens en être avides de violence, de sexe et de sang. Point ici de zombies, mais des infectés qui parlent, font de vraies actions, mais en étant ultra violents et laissant surgir, poussées à leur paroxysme, leurs pulsions les plus étranges, violentes, meurtrières. Dans ses premières 50 minutes, The Sadness est tout bonnement dantesque, tendu comme un string, et d’une violence assez inouïe, parfois à la limite du burlesque (dans le bon sens du terme) pour qui aime le gore qui tâche. La scène dans le train est d’une puissance rare, aussi bien graphique avec ses nombreux effets gores practicals bien dégueulasses (pour qui a du mal avec la sanquette) / jouissifs (pour qui aime les hectolitres de sang), qu’au niveau de l’intensité. La violence y est complètement débridée, décomplexée, sadique, avec un réalisateur qui sait là où ça fait mal (la pointe du parapluie dans l’œil, les coups de couteau dans la carotide, …). Le film ne va pas lésiner sur ces effets gores et va aller toujours plus dans le dégueulasse, avec des plans d’hécatombe où de nombreux cadavres éventrés, tripes à l’air, jonchent les rues de Taipei au gré des errances de notre héros à la recherche de sa petite amie. Les infectés sont crédibles, balançant des insanités toutes plus vulgaires les unes que les autres, cherchant sans cesse à violer, torturer, tuer, et on est happé par le film au point d’avoir du mal à quitter l’écran des yeux devant le spectacle assez ébouriffant qui nous est proposé. Et puis à la 50ème minute, le film bascule, lorsqu’il décide de changer son rythme.


Là, lorsque l’héroïne arrive à l’hôpital pour sauver une jeune fille blessée, le film se calme. Le film se calme beaucoup trop. Là où il semble normal de ralentir le rythme juste avant le final, afin de lui donner encore plus d’impact, le réalisateur fait cette « pause » bien trop tôt, à mi-film. A partir de là, tout va devenir bien plus classique, bien plus convenu, au point que la tension va complètement redescendre. Bien qu’il continue de nous donner ponctuellement des scènes dans la lignée de la première partie, bien méchantes, bien moralement choquantes pour ceux qui sont facilement impressionnables, il va s’enliser dans de trop grandes explications, dans de trop longs dialogues, perdant pour le coup beaucoup de son impact. Le final n’a pas la folie et la fureur qu’il aurait dû avoir si on prend en compte qu’il aurait dû être le reflet de cette première partie monumentale. Trop courte, trop prévisible pour qui a l’œil alerte sur des plans pas si anodins plusieurs minutes auparavant (le gros plan sur la main blessée), bien que toujours dans cette optique d’aller loin dans le gore et le méchant, cette scène finale finit de nous laisser un peu dubitatif sur le film qu’on vient de voir, non pas qu’il soit mauvais, loin de là, il est même très sympathique. Mais The Sadness n’est pas la claque annoncée, du moins pas le film de fou furieux que tous ces twittos nous ont promis.


Pour en revenir au film dans sa globalité, on reste quand même dans quelque chose qui tient bien la route. Dans la forme, The Sadness est très réussi, avec une belle photographie et des plans très intéressants. Les effets gores, majoritairement practicals, ont eux aussi méchamment de la gueule. Bien que certains, peut-être faute de budget, sont au final hors champ, entendez par là que par exemple, quelqu’un donne un coup de hache et prend des litres de sang dans la tête mais jamais on ne voit la hache se planter sur la victime, le réalisateur s’en donne à cœur joie avec les gros plans bien cradingues. The Sadness est bourrin, parfois dépravé, parfois dérangeant, souvent excessif, dépassant régulièrement les frontières de la morale pour justement jouer avec les principes moraux du spectateur, le film pouvant pour le coup paraitre assez dingue pour l’œil qui n’est pas habitué à ce genre de films over the top. Pour l’amateur, The Sadness est souvent très fun, décomplexé, versant allègrement dans le bis qui tâche au point d’en devenir parfois fendard tant il semble décomplexé avec son côté très méchant qui ne recule devant presque rien. Du moins dans sa première partie donc, qui n’hésite pas également, le temps de quelques instants, à faire une critique sociétale, une critique politique, une critique de la manière générale dont la crise du COVID a été gérée un peu partout à travers le monde, sans en oublier d’évoquer ceux qui croient à la théorie du complot. Une critique certes pas très fine, mais permettant au film de dépasser le stade du simple film d’horreur gore. On regrettera par contre que les personnages soient si peu développés, au point qu’on ne tienne pas vraiment à eux et qu’on se fiche au final du sort qui leur est réservé. Mais surtout on regrettera, quitte à se répéter, que cette deuxième partie soit clairement en deçà de la première. Si le réalisateur avait continué dans la même mouvance que les 50 premières minutes, en continuant de faire monter la tension crescendo, The Sadness aurait pu être une tuerie atomique.


Après 50 minutes assez dantesques, déchainées, intenses, The Sadness s’enlise dans une 2ème partie trop classique, trop explicative et un final qui déçoit. Pas la claque escomptée mais néanmoins un sympathique film d’infectés bien méchant.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-sadness-de-rob-jabbaz-2021/

cherycok
6
Écrit par

Créée

le 4 mai 2022

Critique lue 20 fois

2 j'aime

cherycok

Écrit par

Critique lue 20 fois

2

D'autres avis sur The Sadness

The Sadness
AlbertShow-1
4

Une grippe et la chute d'un monde sans lendemain

D'une telle crudité dans le sujet, tous ce gore exposé, difficile alors de lire tous l'irréel dans ce film, quand une grippe mute en rage incontrôlable et qu'elle donne lieu à cette partouze...

le 26 nov. 2023

42 j'aime

4

The Sadness
Voracinéphile
4

Crassed !

Tout le monde en parle, c'est l'électrochoc de l'année. Le film cumule à son avantage 2 points importants : c'est un film asiatique (et on sait que le moindre navet asiatique récolte des louanges...

le 9 avr. 2022

33 j'aime

11

The Sadness
dagrey
7

La chair et le sang

Une pandémie s'abat sur Taïwan, transformant les citoyens en mutants avides de sexe et de chair humaine : un jeune couple, Jim et Kat, tente de lutter contre ces êtres infectés. The sadness est un...

le 7 juil. 2022

28 j'aime

18

Du même critique

Journey to the West: Conquering the Demons
cherycok
7

Critique de Journey to the West: Conquering the Demons par cherycok

Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...

le 25 févr. 2013

18 j'aime

9

Barbaque
cherycok
4

The Untold Story

Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...

le 31 janv. 2022

17 j'aime

Avengement
cherycok
7

Critique de Avengement par cherycok

Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...

le 3 juil. 2019

17 j'aime

1