Ce documentaire nous fait découvrir la grotte Mandrin dans la vallée du Rhône, où de nombreux restes (silex, ossements…) ont été retrouvés. La particularité est que ces restes ont été découverts par strates successives dans le sol et montrent que l’occupation de cette grotte s’est étalée sur des millénaires, d’abord par l’homme de Néandertal puis Sapiens, peut-être pendant quatre-vingts millénaires et le lieu est fabuleusement préservé grâce aux sables portés par le mistral depuis le fleuve, s'engouffrant dans son ouverture au nord et préservant les traces de présence humaine époque après époque. Le préhistorien Ludovic Slimak, chef de l’équipe chargée d’étudier Mandrin, compare la grotte à une "Pompéi de la Préhistoire", le phénomène d’accumulation des sédiments s’étant étalé sur des milliers d’années. C’est l’occasion de s’interroger à partir de ce lieu sur le passage entre les deux espèces humaines, situé autour de – 42 000 ans. Et l’analyse des objets trouvés dans la grotte montre qu’un très faible écart temporel sépare l’occupation par Néandertal puis Sapiens. Pour le paléontologue, peut-être un an! Cela signifie donc qu’il y obligatoirement eu cohabitation entre les deux espèces pendant un moment avant que Néandertal ne disparaisse. Reste à définir cette cohabitation : des échanges, sans doute mais de quels types ? Des affrontements aussi ? Le Rhône a-t-il pu servir de séparation entre les deux espèces, une rive pour chaque ?
C’est à l’entrée de la grotte Mandrin que l’équipe de Slimak a découvert des restes exceptionnels d’une mâchoire, datée de 40 000 ans environ, sans doute un des derniers représentants de Néandertal, baptisé Thorin en hommage à Tolkien et à son personnage de roi nain. Ces restes ont livré de nouveaux indices sur cette espèce, qui a vécu sur le continent eurasien pendant 300 000 ans avant de s’éteindre mystérieusement. L’analyse des dents montre des traces d’usure mais pas de carie et surtout elles contiennent de l’ADN de Néandertal, incomplet mais de bonne qualité ce qui est très rare. Il faut aussi s’interroger sur l’origine des Sapiens et leur arrivée dans la vallée du Rhône. Pour Slimak, il est possible que ces populations dont on a des traces au Moyen-Orient soient arrivées en Europe par la mer. Au final, on apprend que les fouilles des paléontologues révèlent que les Néandertaliens ont non seulement survécu dans le sud de la France mais qu’ils ont même probablement côtoyé les Homo sapiens vers le 54e millénaire avant J.-C. On aboutit aussi à une découverte impressionnante : les recherches sur les pointes en silex très particulières, presque standardisées, de la couche archéologique de cette période laissent penser que les premiers Homo sapiens installés dans la grotte chassaient déjà à l’arc, ce qui repousserait de presque 40 000 ans l’invention de l’archerie ! Une archéologue aidée d’un spécialiste des arcs anciens testent sur un cadavre de chèvre différents systèmes de jet et de pointes découvertes dans la grotte. Et cette expérience montre que ces pointes taillées étaient très efficaces pour chasser du gibier et pas seulement pour découper. Un documentaire scientifiquement pointu avec utilisation des derniers outils et recherche mais absolument passionnant, en particulier le travail des chercheurs et chercheuses sur le terrain mais aussi en laboratoire.