Tueurs par pierrick_D_

Fait-divers réel:entre 82 et 85,une bande surnommée "les tueurs du Brabant" a commis en Belgique une série de braquages meurtriers pour un bilan de 28 morts et 22 blessés,ce qui est disproportionné par rapport aux sommes volées,au point qu'on a estimé que les mecs tuaient plus par plaisir que par nécessité.Le plus étonnant dans cette histoire est qu'aucun membre de cette sinistre coterie n'a jamais été arrêté ni même identifié.Enfin,ce n'est peut-être pas si surprenant que ça quand on connait la vivacité d'esprit des Belges et l'efficacité de leur police.Toujours est-il que le réalisateur et scénariste François Troukens s'inspire de cette histoire pour nourrir son premier long-métrage,associé à la réalisation au chef-opérateur Jean-François Hensgens,et au script à Giordano Gederlini,qui avait bien fait marrer tout le monde,involontairement certes,avec son film "Samouraïs" sorti en 2002.On est dans le néo-polar belge,une mouvance qui donne souvent de bons résultats et "Tueurs",sans être transcendant,est d'un niveau très correct.On y retrouve les caractéristiques du genre,météo grisouille,décors à la froideur clinique,violence sèche et personnages ambigus.Les réalisateurs mènent leur récit habilement et à un rythme soutenu sans qu'il soit frénétique,démêlant progressivement les fils d'une intrigue complexe très élaborée.Le fond est plus discutable,qui traite donc de cette affaire ayant traumatisé durablement la Belgique et qui referait surface aujourd'hui.Un ancien membre de la bande joue les corbeaux et s'apprête,contre rémunération,à balancer ses complices d'autrefois,devenus des notables.C'est là qu'intervient Frank Valken,vétéran du grand banditisme,qui s'apprête à accomplir son dernier coup,l'attaque d'une entreprise de transport de fonds.L'opération réussit,le gars et son équipe s'échappent par un parking souterrain,mais à peine sont-ils partis qu'un mystérieux commando surgit et abat huit personnes innocentes présentes sur place dont,comme par hasard,la juge chargée de l'affaire Brabant.Valken et ses potes sont destinés à porter le chapeau et ont les flics aux trousses,tandis que les témoins du passé sont éliminés à tour de rôle.Ce qu'il faut savoir est qu'une multitude de théories ont fleuri par rapport aux exactions des années 80,toute la société belge fantasmant sur l'identité et les buts réels des assassins.Et Troukens a choisi parmi ces explications l'une des moins probables,mais celle dont on comprend qu'elle lui plait le plus.Parce que ce type n'est pas n'importe qui,et a avant d'être cinéaste été un gangster souvent condamné et emprisonné.Il se projette de toute évidence dans le personnage de Valken et en fait le héros de l'histoire.La thèse sélectionnée est que ces tueurs étaient des membres d'une organisation d'extrême-droite qui auraient délibérément mis le pays à feu et à sang afin de susciter la panique dans la population,espérant que ça provoquerait l'avènement d'un régime autoritaire que les gens,apeurés et en demande de sécurité, plébisciteraient.Si c'était ça,ça n'a pas tellement fonctionné quand on voit l'ordre qui règne en Belgique.Mais bon,cette théorie alambiquée arrange le truand Troukens,chantre de la racaille en tout genre.Du coup,Valken n'est plus un salopard de criminel,mais devient la malheureuse victime d'un ignoble complot d'estrèmedrouate,il est pas beau le tour de passe-passe?Le mec va même devenir au fil du film un justicier associé à une policière honnête opposée à sa hiérarchie,tant qu'on y est autant se faire plaisir jusqu'au bout.Que voulez-vous,le gus est au fond un bien brave homme qui veut seulement amasser un petit pécule pour prendre sa retraite au soleil en compagnie de sa gentille femme et de sa mignonne petite fille,pas de quoi en faire un fromage.Alors,quand on sait que les autorités fourmillent de types vraiment très méchants et bien pires que lui,il serait déplacé de lui faire des reproches.Du reste il le dit,il n'est pas un tueur,il est choqué qu'on puisse penser ça de lui,sa probité en souffre,sans parler de sa blanche réputation.OK,il déboule armé comme un porte-avion et menace convoyeurs,vigiles et autres agents de sécurité.Mais tant que les mecs obéissent à ses injonctions il n'y a aucun problème,il est juste dommage qu'on ignore comment il réagirait en cas de rébellion.En fait on ne l'ignore pas vraiment car quand les flics se pointent Valken et ses amis n'hésitent pas à défourrailler à pleins tubes sans se soucier des conséquences sur la santé de ces fonctionnaires.Deux ans plus tôt,Troukens avait écrit et réalisé un court-métrage,"Caïds", qui était un peu le brouillon de "Tueurs",avec la même équipe comprenant Hensgens à la photo,la Versus Production de Jacques-Henri et Olivier Bronckart à la prod,plus les comédiens Dazi Slimane et Rawad Barzac qui ont des petits rôles dans le long-métrage.Ici,on a convoqué la fine fleur de l'actorat d'Outre-Quiévrain,avec dans le rôle principal un Olivier Gourmet puissant et charismatique,accompagné de Lubna Azabal en capitaine de police avisée,Bouli Lanners en commissaire aussi placide que pourri,Kevin Janssens,vu dans d'autres polars belges comme "Les Ardennes" ou "Lukas",en jeune flingueur excité,Johan Leysen en vieux procureur équivoque,Natacha Régnier en juge éliminée,Anne Coesens en épouse de truand fatiguée,Stéphanie Crayencour en inspectrice et le Français Virgile Bramly,vu dans le "Bronx" d'Olivier Marchal.La belle blonde Bérénice Baôo est une révélation en braqueuse aux nerfs d'acier.